Debout sur le pont d’un vraquier dans le port de Churchill, au Manitoba, sur la baie d’Hudson, la biologiste Farrah Chan laisse doucement descendre un filet à plancton à mailles serrées dans les eaux noires de la citerne de ballast du navire. Chan est à la recherche d’espèces non indigènes — des invertébrés aquatiques et des plantes qui voyagent de port en port à bord des navires de la marine marchande mondiale, en suspension dans l’eau de ballast ou collés aux coques, aux gouvernails et aux hélices. Ces espèces peuvent se retrouver dans un écosystème très éloigné de leur habitat naturel lorsqu’un navire vide les milliers de tonnes d’eau de ballast qu’il contient, ou encore, quand les organismes libèrent leurs larves ou qu’ils sont grattés de la coque.
« Si des espèces non indigènes parviennent à établir une population capable de se reproduire », explique Chan, qui termine ses études de doctorat au Great Lakes Institute for Environmental Research de l’Université de Windsor, « elles peuvent causer de graves dommages à leur nouvel environnement, à l’économie et aux infrastructures, comme l’ont fait la moule zébrée et la grande lamproie marine dans le sud du Canada. »
À mesure que la glace estivale recule et que l’exploitation des ressources augmente, le nombre de navires qui visitent l’Arctique augmente, et chacun d’eux est un vecteur potentiel d’espèces non indigènes. Le réchauffement des températures pourrait faciliter la survie des espèces provenant de régions plus tempérées. « Nous devons savoir quelles sont les espèces qui arrivent dans l’Arctique », explique Chan. « Nous avons de l’information pour la plupart des régions du monde — il existe même des études sur l’Antarctique — mais rien sur l’Arctique canadien. Mes recherches comblent cette lacune. »
Elle a choisi le port de Churchill, servant principalement à l’expédition du blé, puisqu’il est l’un des seuls ports de l’Arctique canadien à recevoir des navires provenant de centres d’expédition du marché mondial, comme Murmansk (Russie), Flushing (Pays-Bas), La Corunna et Gijon (Espagne) et Annaba (Algérie). Elle y a découvert une grande variété d’invertébrés — moules, anatifes, copépodes, et arthropodes — et le défi est grand, dit-elle, de déterminer quelles espèces ne sont pas indigènes.
Les travaux de Chan aident à déterminer dans quelle région de l’Arctique canadien présente le risque le plus élevé, une connaissance essentielle pour le développement de moyens permettant de garder les espèces envahissantes hors de la région. « Ces recherches nous donnent une chance de protéger les côtes en dirigeant les efforts proactifs vers les sites à risque élevé, » explique-t-elle. « Il est beaucoup plus facile d’empêcher l’entrée des espèces envahissantes que de les contrôler plus tard. »
Voici le plus récent billet d’un blogue sur les questions polaires et la recherche connexe présenté par Canadian Geographic en partenariat avec la Commission canadienne des affaires polaires. Le Blogue polaire sera affiché en ligne toutes les deux semaines et certains billets seront publiés dans de prochains numéros du magazine. Pour de plus amples renseignements sur la CCAP, veuillez visiter
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