History
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Le Canada compte le plus grand nombre de b?ufs musqués indigènes au monde. Mais dans l’ouest de l’Archipel Arctique, les populations ont chuté ces dernières années. Susan Kutz, vétérinaire à l’Université de Calgary, dirige une équipe de chercheurs et d’étudiants diplômés* qui travaillent avec des chasseurs inuits, des pourvoyeurs et des biologistes du gouvernement pour comprendre le phénomène.
Le b?uf musqué, ou umingmak pour les Inuits (« le barbu »), est unique sur le plan génétique. Survivant de la période glaciaire, il n’est pas vraiment un b?uf — son plus proche parent est un animal ressemblant à la chèvre qui vit dans l’Himalaya et les montagnes du Japon. Dans les collectivités de l’ouest du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, comme Cambridge Bay et Ulukhaktok, sur l’île Victoria, le b?uf musqué est une importante source de nourriture. Sa laine intérieure, qiviut, est inégalée en matière de chaleur et de douceur.
« Nos recherches réunissent le savoir scientifique et le savoir traditionnel local », dit Kutz, dont le projet sur le b?uf musqué est partiellement soutenu par Savoir polaire Canada. Son équipe recueille des données sur les populations et analyse des échantillons de déjections, de poil, d’os et de sang fournis par des chasseurs à Cambridge Bay et ailleurs.
« Nous interviewons aussi des gens du coin pour consigner leurs connaissances sur les tendances démographiques des b?ufs musqués, la composition des troupeaux, leur état de santé et leurs comportements », explique Kutz.
Plusieurs facteurs influencent négativement la santé des b?ufs musqués, y compris un ver qui infeste les poumons et affaiblit les animaux. « Le strongle pulmonaire, Umingmakstrongylus pallikuukensis [le premier parasite à porter un nom en Inuinnaqtun, le dialecte local de la langue inuite], a traversé les terres et a rapidement atteint l’île Victoria, explique Kutz, probablement en raison des températures plus élevées qui ont favorisé la reproduction des larves dans les limaces et les escargots, leurs hôtes. »
Entre temps, des chasseurs ont aussi découvert des groupes de b?ufs musqués morts et Kutz a été étonnée de trouver une bactérie familière, Erysipelothrix rhusiopathiae, dans les carcasses.
« On la trouve habituellement chez le porc et la volaille, mais elle peut tout infecter — y compris l’humain, dit-elle. Nous essayons de comprendre pourquoi elle est ici, depuis combien de temps et si elle entraîne directement la mort ou bien s’il y a des causes sous-jacentes. »
En analysant des échantillons de qiviut [la laine intérieure], les chercheurs ont découvert que les niveaux d’hormone de stress sont généralement supérieurs chez les b?ufs musqués des îles Arctiques, ce qui pourrait signaler des sources de stress suffisamment grandes pour accroître la sensibilité à la maladie.
L’équipe de Kutz a fait une autre découverte : un taux étonnamment élevé d’incisives cassées chez les b?ufs musqués de l’île Victoria. Ce dommage mécanique, dit-elle, pourrait être lié à des changements dans la végétation et dans les conditions de pâturage, découlant de régimes météorologiques et climatiques anormaux.
Tout cela concorde avec les propos des experts du coin. « Les gens ont signalé avoir trouvé davantage d’animaux morts ou en mauvais état, des groupes plus restreints et moins de petits, dit Kutz. Leur perspective nous a permis de mieux comprendre pourquoi les animaux sont en déclin. »
Les travaux de Kutz rehaussent notre compréhension des changements climatiques en démontrant comment l’un des effets, la propagation de parasites, agit dans l’Arctique. Ils permettent aussi de recueillir des données précieuses sur un animal iconique de l’Arctique, dont l’habitat naturel est le Canada — et dont la santé est essentielle aux collectivités inuites. Son équipe réalise ces travaux en exploitant toutes les sources disponibles de connaissances et de données. « Voilà la force de ce programme — le jumelage de la science et du savoir autochtone, dit Kutz. Nous voulons garantir la présence de populations de b?ufs musqués durables à l’avenir. »
* Les étudiants diplômés Juliette Di Francesco, Pratap Kafle et Matilde Tomaselli, ainsi que la vétérinaire Sylvia Checkley, ont apporté des contributions essentielles à ces travaux de recherche.
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