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Environment

Le pergélisol arctique dégèle. Voici ce que cela signifie pour le Nord du Canada – et pour le reste du monde

Le dégel du pergélisol est généralisé, s’accélère et est irréversible. Il s’accompagne d’effets visibles sur l’écologie, l’hydrologie, les paysages et les communautés du Nord.

  • Published Apr 02, 2019
  • Updated Jan 04, 2025
  • 3,220 words
  • 13 minutes
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Pendant deux jours après avoir quitté Winnipeg, le train trace sa route en grondant vers le nord, sous la pluie et la grisaille, en direction de Churchill. Laissant la prairie et la forêt boréale du Manitoba derrière, la dernière matinée s’est déroulée sous un soleil radieux, sur une étendue plate constellée de bouquets d’arbres enchevêtrés, un leitmotiv qui allait perdurer tout au long de la journée, alors que le train traversait les fondrières qui entourent la baie d’Hudson.

Sur la droite se trouvait une voie plus ancienne et abandonnée. À certains endroits, elle disparaissait sous l’eau, à d’autres, elle était avalée par la terre – recouverte de sphaigne, de saules et de thé du Labrador. À quelques endroits, la terre elle-même était disparue, s’enfonçant dans le sol en même temps que le ballast des rails, laissant les voies et les traverses suspendues dans l’espace, silencieuses. L’ensemble de ces éléments suggérait la nature miraculeuse – et précaire – du passage, renforcée lorsque le train ralentit à 20 kilomètres à l’heure pour les dernières heures du périple. Ce rythme, dont les passagers avaient été informés par un interphone grésillant, a permis au train de rester en toute sécurité sur des rails déformés chaque année en montagnes russes de faible pente par le gel et le dégel du pergélisol. Le livre que je lisais, After the Ice Age d’E. C. Pielou, identifiait les arbres comme étant des épinettes noires et des mélèzes, et notait que ces « forêts ivres » (troncs anémiques penchés au hasard dans toutes les directions) résultaient de l’alternance de la poussée et de l’affaissement du sol gelé. Cette même interaction entre le substrat, le climat, l’eau et la glace est à l’origine du paysage pie de la majeure partie de l’Arctique, dans lequel les cycles de gel et de dégel concentrent la glace à la surface et trient les particules de sol en formes surélevées délimitées par des fossés peu profonds et remplis de roches. Bien que cette échelle soit mieux vue du ciel, son motif fractal se répète dans le microcosme sous la forme de plaques de mousse bosselées visibles depuis le train.

Cette leçon au ralenti sur la nature dynamique du pergélisol semblait tout à fait appropriée. Après tout, je me rendais à Churchill pour rencontrer un scientifique qui étudie la disparition accélérée du pergélisol.

Un affaissement dû au dégel du pergélisol a rempli le plateau de la rivière Peel de deux millions de mètres cubes de sédiments. (Photo : Avec l’aimable autorisation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et du Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre)
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Qu’il soit continu, discontinu, sporadique ou isolé, le pergélisol couvre environ un quart de l’hémisphère nord, soit quelque 22,8 millions de kilomètres carrés : 50 % des terres émergées de la Russie et du Canada, 22 % de celles de la Chine et 82 % de l’Alaska (environ 15 % de la masse terrestre totale des États-Unis continentaux). En outre, près de 90 % des tourbières circumpolaires qui se sont formées après la dernière période glaciaire, il y a environ 10 000 ans, sont actuellement piégées dans le pergélisol; parmi celles-ci, les basses terres de la baie d’Hudson, dans le nord du Manitoba, de l’Ontario et du Québec, constituent l’une des plus grandes régions continues de ce type. Ces chiffres sont importants pour les scénarios mondiaux de changement climatique et pour le rôle du Canada dans ces scénarios, en particulier parce que la matière organique piégée dans le pergélisol représente 50 % de la réserve mondiale de carbone sous terre, soit quatre fois la quantité de carbone libérée par l’ensemble des activités humaines depuis 1850. Si des zones importantes de pergélisol dégelaient et libéraient ne serait-ce qu’une fraction de ce carbone sous forme de gaz à effet de serre (GES), les scientifiques préviennent que cela créerait une boucle de rétroaction susceptible d’accélérer les changements climatiques rapides que nous connaissons déjà.

Commençons par les mauvaises nouvelles : le dégel du pergélisol est déjà en cours; il est généralisé, s’accélère et est irréversible. Bien que ce ne soit pas aussi excitant dans un cycle d’information à court terme que la rupture de la plateforme de glace de l’Antarctique, une vague de chaleur record en Alaska ou une tempête catastrophique dans l’Atlantique, le processus par lequel des millions de kilomètres carrés de sol gelé deviennent dangereusement spongieux est bien en cours. Il s’accompagne d’effets visibles sur l’écologie, l’hydrologie et les paysages du Nord, ainsi que de préoccupations d’ordre environnemental, alimentaire et infrastructurel pour les communautés.

Maintenant, la moins mauvaise nouvelle : des études révèlent en effet la nature complexe de la disparition du pergélisol et, même si l’inquiétude demeure, il ne s’agit peut-être pas de la bombe à retardement annoncée par certains. Au contraire, la disparition du pergélisol n’est probablement qu’un autre phénomène du réchauffement climatique auquel nous devons prêter attention, nous adapter et chercher à remédier.

Le scientifique que j’ai rencontré à Churchill était Peter Kershaw, chercheur retraité de l’Université de l’Alberta et spécialiste des perturbations anthropiques de la toundra et de la forêt. Peter Kershaw a surveillé pendant plus de 15 ans la réaction de l’écosystème aux changements du pergélisol près de Churchill et il a été le chercheur principal d’une étude de 45 ans qui comprenait également plusieurs sites des monts Selwyn et Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest. Il surveillait à la fois le déclin du pergélisol et la migration de la limite des arbres vers le pôle Nord. Des bénévoles en vacances comme moi, désireux de voir de leurs propres yeux comment le réchauffement climatique met à mal les systèmes naturels de stockage du carbone de la planète, ont fourni l’énergie humaine nécessaire à son travail.

J’ai ainsi passé une semaine à m’agenouiller dans la toundra au milieu de nuages de moustiques, à manier une loupe pour trouver des semis d’arbres pas plus hauts que la mousse spongieuse dans laquelle ils ont poussé et à mesurer la croissance annuelle d’arbres plus grands, préalablement marqués. Les présentations du soir, truffées de graphiques, de tableaux et de photos avant-après, ont offert une triste litanie de températures en hausse, de glaciers qui reculent, de glace de mer qui se rétrécit et d’une couverture neigeuse qui se modifie. Rien de tout cela n’est nouveau si ce n’est l’ampleur de ces phénomènes, qui indiquent tous un changement climatique rapide et unidirectionnel : le climat se réchauffe partout, deux fois plus vite dans l’Arctique et encore plus vite sous terre. Il est donc clair que le pergélisol ne se résume pas au concept unidimensionnel que son nom implique.

La définition simple du pergélisol – roche ou sol dont la température reste égale ou inférieure à 0 °C pendant au moins deux années consécutives – s’arrête là. Le pergélisol est constitué d’une couche active d’épaisseur variable qui dégèle et regèle chaque année, et qui repose sur une couche plus profonde et plus permanente. La répartition du pergélisol dans un paysage est considérée comme continue s’il couvre de 91 à 100 % de la zone, discontinue si cette couverture est de 51 à 90 %, sporadique si elle est de 10 à 50 % et isolée si elle est inférieure à 10 % (comme c’est le cas pour une grande partie du pergélisol alpin). Le pergélisol peut être sec, avec une faible teneur en eau, ou riche en glace, lorsque la teneur en glace dépasse la capacité d’humidité saturée du sol. Ce dernier cas d’excès de glace est à l’origine de la plupart des caractéristiques du pergélisol : les coins de glace interreliés qui se forment dans les fissures verticales pour créer des formes polygonales sur le sol; les pingos coniques distincts à noyau de glace communs au delta du Mackenzie; les lentilles de glace séparées qui sous-tendent les structures de monticules de tourbe telles que les palses.

Le dégel rapide du pergélisol riche en glace provoque l’affaissement du sol de diverses manières; ces processus, connus sous le nom de thermokarst, font en sorte que les tourbières s’effondrent en cratères aqueux, provoquant aussi des affaissements de sol, des glissements de terrain et l’agrandissement (ou l’assèchement occasionnel) des lacs.

Peter Kershaw a fait valoir que la couche active se réchauffait considérablement et que, par conséquent, elle prenait de l’expansion pour libérer davantage de GES, tels que le dioxyde de carbone et le méthane. La couche permanente, qui s’étend de 10 à 20 mètres de profondeur, se réchauffe plus lentement. Une grande partie du pergélisol est profondément enfouie (à plus d’un kilomètre de profondeur dans certaines parties de la Sibérie), de sorte que peu de gens s’attendent à ce qu’il libère un jour tout le carbone stocké; les modèles suggèrent généralement qu’au mieux, seulement 10 à 20 % de celui-ci pourrait s’échapper à l’avenir, même dans le cas des scénarios d’émissions les plus pessimistes. Mais il y a un problème avec les modèles.

Mon voyage à Churchill a eu lieu en juin 2012 et au cours des six années qui ont suivi, cinq d’entre elles ont été les plus chaudes jamais enregistrées sur Terre. Des observations récentes en Alaska et en Sibérie montrent que les couches actives se réchauffent beaucoup plus rapidement que ne le prévoient les modèles. À l’appui de cette affirmation, une étude de référence publiée en 2017 dans la revue Nature Climate Change a examiné la vitesse à laquelle le pergélisol a réellement dégelé entre 1960 et 1990 et a constaté qu’il était environ 20 % plus sensible au réchauffement que ne le suggéraient les modèles.

Cela met en évidence les limites des modèles actuellement utilisés pour prévoir les scénarios climatiques futurs –, ils ne peuvent tout simplement pas saisir toutes les nuances impliquées dans les changements majeurs du pergélisol. « La divergence entre certains des meilleurs modèles au monde est énorme, mais il n’y a pas de réponse simple à la question de savoir pourquoi », déclare Antoni Lewkowicz, professeur au département de géographie, environnement et géomatique de l’Université d’Ottawa et président de l’Association canadienne du pergélisol.

Le professeur Lewkowicz est un doyen de la science du pergélisol au Canada, ayant travaillé dans tout le Nord depuis 1976, du Labrador au Yukon, en passant par le Haut-Arctique. « La perte de pergélisol est un système incroyablement compliqué qui comporte de nombreux éléments mobiles. Nous l’explorons principalement au moyen de la modélisation et d’études spécifiques aux sites, mais nous aimerions pouvoir l’élargir. »

Le professeur Lewkowicz s’interroge sur la quantité de carbone réellement présente, sur sa mobilité et sur la possibilité qu’une partie de celui-ci soit absorbée par les plantes. Il note que certaines parties de la toundra sont déjà en train de verdir – une absorption de facto du carbone –, mais que les arbustes qui en résultent approfondissent également la couche de neige, ce qui peut entraîner un réchauffement supplémentaire qui libérerait davantage de gaz à effet de serre. « Certains changements se produisent plus rapidement que prévu et ne sont pas anodins, mais ils ne semblent pas non plus être catastrophiques, déclare-t-il. Nous devons approfondir cette question, car pour atteindre les objectifs climatiques, nous devrons finalement inclure dans nos calculs la perte de pergélisol et la libération de carbone qui en découle. »

Bien que les études faisant état d’une catastrophe climatique aient tendance à faire les manchettes, le consensus au Canada semble suivre la doctrine Lewkowicz d’effets certains, mais graduels. « La répartition du pergélisol dans le Nord ressemble à un puzzle, explique-t-il. Les trois rangs supérieurs – le pergélisol continu – sont complets, les trois rangs suivants sont incomplets, mais représentent peut-être 80 % du portrait, et tout en bas – la frange méridionale du pergélisol discontinu –, il y a des morceaux épars qui disparaissent lentement. »

David Olefeldt, professeur adjoint à la faculté des sciences de l’agriculture, de la vie et de l’environnement de l’Université de l’Alberta, qui étudie le cycle du carbone dans les zones humides boréales et arctiques, partage cet avis. « Nous avons plus ou moins exclu tout scénario de catastrophe, mais nous recevons de nombreuses informations indiquant que le climat s’en trouvera néanmoins modifié, explique-t-il. En termes simples, cela reviendrait à ajouter une autre Allemagne ou de nouveaux États-Unis à la liste des sources de GES dans l’atmosphère. À lui seul, le dégel du pergélisol n’entraîne pas le climat dans une direction où il ne se dirige pas déjà, mais il doit être pris au sérieux. Il nous appartient toujours de gérer les émissions futures – nos choix ne nous ont pas été retirés. »

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Des glissements de terrain provoqués par les fortes pluies de septembre 2017 laissent des cicatrices dans les collines du Caribou près d’Inuvik (T.N.-O.). (Photo : Commission géologique des Territoires du Nord-Ouest et Institut de recherche Aurora)
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Il y a très longtemps, à Churchill, je passais mes journées sur des « îlots d’arbres », des bouquets de mélèzes et d’épinettes noires qui constituaient l’avant-garde de la limite des arbres. Dans cet environnement difficile, un arbre de 10 centimètres de haut peut avoir huit ans ou plus et une tonnelle nous arrivant à la taille, de 50 à 100 ans. Certains îlots d’arbres étaient proches de l’eau, ce qui permettait de tirer des enseignements supplémentaires. Le long de la rive du lac Ramsey, des monticules de couche active ont été poussés par la glace et des motifs de fond polygonaux se sont formés par cryoturbation, processus par lequel la glace trie les particules de substrat en fonction de leur taille pour créer des formes géométriques. À proximité, un « plateau tourbeux polygonal » en cours d’atterrissement (une jolie allitération lancée dans les airs par le pergélisol) offrait un moment de proximité avec les coins de glace, des veines de glace solide traversant la tourbe. Les bénévoles voulaient tous les toucher, peut-être parce que ce sont ces mêmes phénomènes qui disparaissent du paysage.

J’en suis ressorti avec un message clair : il est essentiel de comprendre le pergélisol qui recouvre une grande partie du Nord canadien, tant pour les occupants actuels que pour ceux qui espèrent développer ces régions. « Les conséquences sont désastreuses pour tout, des oléoducs aux barrages hydroélectriques, en passant par les communautés côtières et les corridors de transport, m’a déclaré Peter Kershaw. Si l’on ajoute à cela l’impact sur l’écologie nordique – amélioration du cycle des nutriments, migration de la limite des arbres, perte de tanières d’ours polaires et autres –, on obtient une histoire très intéressante. »

Comme M. Kershaw allait bientôt prendre sa retraite, c’est à son ancien étudiant, Steven Mamet, aujourd’hui chercheur associé en biogéographie à l’Université de la Saskatchewan, qu’il reviendra de gérer cette histoire. Steven Mamet a repris le poste de chercheur principal pour le projet des monts Mackenzie et il partage le même poste pour l’étude de Churchill. Sa mise à jour n’avait rien de surprenant. « Les températures de l’air dans les monts Mackenzie ont augmenté de 1 °C en trois décennies, mais le pergélisol se réchauffe à un rythme allant jusqu’à 1,3 °C par décennie, soit environ trois fois plus vite. »

Les températures ne sont pas le seul indicateur; les structures de surface disparaissent également. « Il faut de multiples indicateurs pour vraiment comprendre l’ampleur du changement dans le paysage, explique-t-il. Si nous n’avions disposé que de données sur la profondeur du dégel, nous n’aurions pas été en mesure de quantifier les changements importants observés grâce aux photographies aériennes et terrestres répétées. La comparaison entre les images de 1942 et celles de 2016 montre une perte de 96 % de la superficie des palses dans les monts Mackenzie. Elles disparaîtront donc pour de bon de notre vivant. »

À l’inverse, et démontrant une fois de plus les effets inégaux de la perte de pergélisol, le mouvement de la limite des arbres stagne dans la région du Mackenzie depuis les années 1950 en raison de la croissance accrue des arbustes, tandis qu’à Churchill, cette limite continue de progresser vers le nord à raison d’un mètre par an, sa composition changeant au fur et à mesure que le mélèze s’y implante. « Nous entrons dans une ère de changement rapide pour de nombreux écosystèmes, ainsi que pour les communautés nordiques, déclare Steven Mamet. Dans des endroits comme Tuktoyaktuk, on assiste à une érosion côtière considérable due à la fois à l’élévation du niveau de la mer et à l’augmentation des températures. Il suffit de lire les nouvelles. »

Map: Chris Brackley/Can Geo
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Les nouvelles : Avec le dégel du pergélisol, les versants nord de la Sibérie, de l’Alaska et du Canada s’effondrent dans l’océan Arctique. Dans certains cas, des villes entières ont dû être déplacées. En Sibérie, en 2016, le dégel du pergélisol a exposé une carcasse de renne infectée par la bactérie mortelle de l’anthrax, tuant un garçon de 12 ans et rendant malades de nombreuses autres personnes. En Sibérie également, des mesures montrent une augmentation des taux de libération de méthane par le pergélisol situé sous les fonds marins de l’Arctique. Selon des scientifiques de l’Université de Southampton, au Royaume-Uni, la couverture de glace des lacs de l’Arctique canadien fond jusqu’à un jour plus tôt chaque année. À Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, des bâtiments ont dû être démolis lorsque les fondations se sont déplacées en raison du dégel du pergélisol, ce qui constitue un autre indicateur pour les citoyens qui n’ont pas besoin d’aller très loin pour voir des lacs asséchés, des effondrements de collines et des cratères de thermokarst.

Steve Kokelj, scientifique spécialiste du pergélisol à la Commission géologique des Territoires du Nord-Ouest et ancien étudiant de M. Lewkowicz, se trouve sur la ligne de front du pergélisol au Canada. Il collige les renseignements recueillis dans les territoires du Nord qui peuvent aider à la conception des routes et des infrastructures, et il les met sous une forme utilisable. Ce travail est particulièrement pertinent dans le cas de l’autoroute Inuvik Tuktoyaktuk, qui a été inaugurée en novembre 2017.

« Je ne travaillais pas pour le territoire lorsque la route a été conçue, je n’étais donc pas impliqué, se souvient Steve Kokelj. Mais une fois interpellé, j’ai vu à quel point il s’agissait d’une formidable opportunité de R-D pour la communauté scientifique et technique : la construction se fait sur un terrain difficile, avec des gradients environnementaux et climatiques, les matériaux de base varient d’un bout à l’autre du corridor et la construction s’est faite à l’état gelé. C’est un point essentiel pour comprendre comment l’environnement et l’infrastructure se comportent dans toute une série de conditions; dans les années à venir, nous saurons ce qu’il est possible de faire avec succès. »

Le rôle de M. Kokelj consiste également à gérer la cartographie des risques, qui peut rapidement devenir obsolète compte tenu de la rapidité des changements climatiques. Par exemple, dans une partie des collines adjacentes au delta du Mackenzie, de fortes précipitations ont provoqué 20 glissements de terrain en 2009, dit-il, puis 80 autres dans la même zone en 2017. Il est nécessaire de savoir quelles sont les zones les plus menacées.

« Ce qui nous préoccupe ici, dans le Nord, c’est que la discipline de l’étude du pergélisol est relativement nouvelle, alors qu’il s’agit du ciment qui maintient la cohésion du paysage, explique-t-il. Nous sommes toujours en train de rattraper notre retard en ce qui concerne le pergélisol, de sorte que nous sommes encore débordés et le resterons pendant un certain temps avant de trouver des solutions. Mais le Nord sera la clé de la réussite. »

Antoni Lewkowicz est d’accord. « L’une des choses les plus importantes pour le Canada dans un avenir proche sera notre capacité nordique, le fait d’avoir des chercheurs dans le Nord sur qui compter, ainsi que des personnes qui y vivent et qui s’occupent des problèmes liés au pergélisol. Cela inclut les questions de sécurité alimentaire pour les peuples autochtones dont la subsistance traditionnelle par la chasse et la pêche est menacée. »

Que nous maintenions ou non le cap en matière de réchauffement de la planète, tous s’accordent sur un point : le dégel du pergélisol constituera un autre défi pour les décennies à venir. « C’est comme un long train de marchandises, explique M. Lewkowicz. Le mouvement est peut-être lent, mais il ne s’arrêtera pas facilement. »

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