Le chemin était semé d’obstacles. L’un d’entre eux était la prépondérance des pays occidentaux riches parmi les membres des Nations unies (à la fin des années 1940, l’organisation comptait moins de pays d’autres régions du monde). En d’autres termes, tout le monde n’avait pas sa place à la table des négociations. Mais même avec cette composition plus limitée, la recherche d’un compromis s’est avérée être une tâche herculéenne pour la Commission des droits de l’homme des Nations unies.
« Lors d’un des votes à l’Assemblée générale, le Canada s’est abstenu, note M. Curle. L’Association du Barreau canadien faisait pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il ne signe pas la convention, estimant que certaines de ses dispositions étaient de nature communiste […] Bien entendu, John Humphrey s’est emporté. »
Finalement, après avoir trouvé le juste milieu entre la conciliation des États-nations et le maintien des objectifs de la déclaration, la DUDH a été adoptée lors de l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est tenue à Paris le 10 décembre 1948. Le document ratifié énonce les droits inaliénables de tous les êtres humains, indépendamment de leur race, de leur couleur, de leurs croyances religieuses, de leur sexe, de leur langue et d’autres considérations essentielles.
John Humphrey, ainsi que tous les rédacteurs, ont accompli un exploit extraordinaire en créant la DUDH qui a ensuite été acceptée sur la scène mondiale.
Un bon début, certes, mais un début tout de même.
« La DUDH a été conçue comme un élément d’une Charte internationale des droits de l’homme plus large qui comprendrait des obligations juridiquement contraignantes, explique Jeremy Maron. La DUDH n’est donc pas un document juridiquement contraignant ; c’est un document d’aspiration […] le retard [dans l’adoption de la Charte internationale des droits de l’homme] est dû au fait que ces pactes comporteraient des mécanismes juridiquement contraignants auxquels les pays signataires devraient répondre en rendant compte régulièrement de leur respect des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels. »
Ce n’est qu’en 1966 que les Nations unies ont transformé les idéaux de la DUDH en loi, en adoptant la Charte internationale des droits de l’homme, y compris ses pactes essentiels. La même année, après deux décennies de service, John Humphrey s’est retiré des Nations unies pour reprendre sa carrière d’enseignant à l’université McGill, alors qu’il est resté actif dans la promotion des droits de l’homme jusqu’à sa mort en 1995, à l’âge de 89 ans.
Par la suite, M. Humphrey a représenté les femmes coréennes réduites en esclavage sexuel par les soldats japonais pendant la Seconde Guerre mondiale — et les anciens prisonniers de guerre canadiens qui avaient subi des sévices dans les camps de prisonniers de guerre japonais. Il a également participé à la fondation d’Amnesty International Canada et a enquêté sur les violations des droits de l’homme aux Philippines sous le dictateur Ferdinand Marcos.
Mais son plus grand héritage a sans doute été, et demeure encore, son rôle dans la rédaction de la DUDH.