
People & Culture
Survivor: The story of Phyllis Webstad and Orange Shirt Day
Phyllis Webstad turns her residential school experience into a powerful tool for reconciliation through Orange Shirt Day
- 1904 words
- 8 minutes
« Beaucoup d’entre vous m’ont demandé ces derniers jours si la Phyllis Webstad de la Journée du chandail orange allait venir nous parler aujourd’hui, relate Meagan Lundgren, directrice adjointe de l’école primaire Altadore, en s’adressant aux élèves assis par terre devant elle. Veuillez maintenant accueillir Phyllis Webstad de l’Orange Shirt Society, qui est ici pour nous parler de la Journée du chandail orange! »
En cette froide matinée de février, les applaudissements fusent et des visages radieux émergent des quelque 200 élèves présents à l’assemblée de cette école de Calgary. Les nuances d’orange, de la pêche à la citrouille en passant par le paprika, sont évidentes sur tous les jeunes rassemblés dans le gymnase. Il y a à la fois une curiosité innée et une grande aisance entre les enfants et leur invitée d’honneur.
Mme Webstad est la fondatrice de l’Orange Shirt Society, un mouvement populaire qui est devenu mondial il y a quelques années pour commémorer l’expérience des pensionnats et rendre hommage aux survivants. Depuis septembre 2019, elle a fait le tour des écoles du pays pour partager sa propre expérience des pensionnats et l’importance de la Journée du chandail orange, dans le cadre d’un projet appelé Voies vers la réconciliation, fruit d’un partenariat entre la Orange Shirt Society, Patrimoine canadien et Canadian Geographic, afin de faire connaître son histoire aux gens de partout au Canada. À la fin de la tournée, le 31 mars, Mme Webstad avait voyagé de Halifax à Haida Gwaii, en Colombie-Britannique, délivrant son message de réconciliation en personne à plus de 6 000 élèves et 500 adultes.
À l’échelle de l’école Altadore, la participation à la Journée du chandail orange a commencé le 30 octobre 2018, avec la directrice Kelly Christopher, bien qu’un petit nombre de classes aient déjà pris part à l’événement l’année précédente. Les enseignants utilisent l’un des deux livres pour enfants publiés par Mme Webstad, L’histoire du chandail orange et Le chandail orange de Phyllis, pour présenter aux élèves son expérience en tant que fillette de six ans allant au pensionnat.
De 1831 à 1996, plus de 130 pensionnats financés par le gouvernement fédéral et gérés par l’Église ont accueilli plus de 150 000 enfants autochtones. L’objectif, comme l’a si bien dit le tout premier premier ministre du Canada, John A. Macdonald, était de « tuer l’Indien dans l’enfant », c’est-à-dire de procéder à une assimilation forcée. Il s’agit d’un génocide culturel qui s’est répercuté sur des générations de peuples autochtones par le biais de traumatismes intergénérationnels. Des histoires volées, des histoires perdues, des histoires trop horribles pour être racontées.
Née dans la réserve de Dog Creek, à 85 kilomètres au sud de Williams Lake, en Colombie-Britannique, Mme Webstad est une Secwepemc du Nord (Shuswap) de la Première Nation Stswecem’c Xgat’tem (bande indienne de Canoe Creek). La jeune Phyllis vivait avec sa grand-mère qui, en prévision de son premier jour d’école en 1973, l’avait emmenée acheter une nouvelle tenue. Phyllis avait soigneusement choisi un chandail orange qu’elle trouvait à la fois d’une couleur joyeuse et excitante, ce qui reflétait bien ses sentiments à l’idée d’aller dans une nouvelle école.
Mais quand elle est arrivée au pensionnat St. Joseph’s Mission, juste à l’extérieur de Williams Lake, ses émotions sont rapidement passées de l’excitation à la terreur lorsqu’on lui a confisqué son chandail. Le chandail représentait un morceau de sa maison, un morceau de son cœur et de la vie telle qu’elle la connaissait. Ce sera la première des nombreuses atrocités et traumatismes qu’elle vivra au cours de l’année qu’elle passera loin de sa maison au pensionnat.
Alors que Mme Webstad commence à raconter son histoire aux élèves de Calgary, elle leur demande combien d’entre eux ont déjà pris part à une soirée-pyjama. De nombreux élèves lèvent la main.
« Pouvez-vous imaginer une soirée-pyjama de 300 nuits? C’est ce que j’ai ressenti en entrant dans cette école », explique-t-elle.
Le parcours de Mme Webstad, qui consiste à donner des conférences, à écrire des livres et à diriger l’organisation à but non lucratif Orange Shirt Society, ne correspond pas à ce qu’elle avait envisagé, surtout à l’aube de la cinquantaine. Ce voyage a commencé autour d’un café avec une amie à la fin du mois d’avril 2013 dans la réserve de Dog Creek, alors que Mme Webstad réfléchissait à ce qu’elle allait dire le lendemain matin lors d’une annonce aux médias pour le projet de commémoration du pensionnat autochtone St. Joseph’s Mission. Elle s’était jointe au comité de planification et, en tant que survivante du pensionnat St. Joseph’s Mission, on lui avait demandé de prendre la parole lors du coup d’envoi d’une série d’événements d’une semaine organisés dans tout le pays pour coïncider avec les efforts de la Commission de vérité et réconciliation pour commencer à réparer les torts causés par les pensionnats. Heureusement, une idée lui vient alors qu’elle est assise au café, tasse à la main.
« Je sais de quoi je peux parler. Je peux parler de mon premier jour, quand grand-mère m’a acheté mon chandail », dit-elle à son amie Joan Sorely.
À peine ces mots étaient-ils sortis de sa bouche que Mme Webstad s’est effondrée. Il s’agissait d’une histoire profondément personnelle qu’elle n’avait jamais partagée auparavant, ni avec son mari, ni avec ses enfants. Armée d’un message, Mme Webstad a désormais une mission. Elle avait moins d’une heure pour trouver dans les magasins locaux un chandail orange qu’elle porterait lors de la grande annonce.
« Je n’avais rien d’orange. Je déteste la couleur orange, ajoute-t-elle. J’ai l’ai toujours détestée. »
Le lendemain, lors de la conférence de presse, tout comme lors de son premier jour fatidique au pensionnat, Mme Webstad était à bout de nerfs dans son nouveau chandail orange vif.
« Je devais participer à l’annonce aux médias, précise-t-elle. Il y a donc le chef, le maire et tous ces gens qui ont de grands titres, et il y a moi, survivante d’un pensionnat sans emploi.
Mais le 24 avril, Mme Webstad a courageusement raconté l’histoire du chandail orange qui lui avait été confisqué. Elle était loin de se douter qu’elle était sur le point de partager son histoire avec le monde entier.
Joan Sorely, qui était la première personne à avoir entendu l’histoire de son amie lors de cette rencontre marquante au café, faisait partie du comité de planification du projet de commémoration avec Mme Webstad.
« Nous cherchions à générer un certain élan ici pour dénoncer les horreurs des pensionnats, et l’histoire de Phyllis est à la fois si simple et si puissante. Et c’est à peu près l’histoire de tout le monde. Vous savez, tout le monde [les survivants des pensionnats] a perdu ses vêtements le premier jour d’école, souligne Mme Sorely. J’essayais de voir comment nous pourrions continuer sur cette lancée. Et je me suis dit : il y a la Journée du chandail rose [pour prendre position contre l’intimidation], pourquoi n’aurions-nous pas la Journée du chandail orange? »
C’est ainsi qu’est née la Journée du chandail orange. Au cours des deux jours suivants, Mme Sorely a présenté son idée au comité de planification composé de représentants du district régional de Cariboo, du district scolaire no 27 de la Colombie-Britannique, de la ville de Williams Lake, des Premières Nations locales et d’autres personnes. Mme Webstad était absente ce jour-là, mais elle a été contactée par courrier électronique pour lui demander l’autorisation d’organiser une Journée du chandail orange dans la région de Cariboo-Chilcotin, en Colombie-Britannique. Lors de la réunion suivante du comité, il a été décidé d’organiser la Journée du chandail orange le 30 septembre de chaque année.
« Nous avons choisi le mois de septembre parce que c’est le moment où les enfants retournent à l’école – c’est le moment où ils ont été enlevés, explique Mme Webstad, ajoutant qu’elle s’est sentie divinement guidée. [Cet automne-là] lorsque je me suis rendue à l’événement organisé par la Commission de vérité et réconciliation à Vancouver, j’étais assise à écouter les témoignages de vérité, et une aînée assise non loin de moi parlait, et elle a dit que septembre était le mois des pleurs – et j’ai su à ce moment-là que nous avions choisi le bon jour.
« Nous avons choisi [le slogan] Chaque enfant compte parce que j’ai dit que j’avais l’impression de ne pas compter lorsque j’étais dans un pensionnat. J’avais beau pleurer, personne ne se souciait de moi. Personne. Il n’y avait personne pour nous prendre dans ses bras. Personne pour nous consoler. Nous pouvions être à moitié morts et on ne s’occupait pas de nous, confie Mme Webstad. Tous les enfants qui sont allés dans les pensionnats comptent. Même ceux qui ne sont pas rentrés à la maison, ils comptent aussi. Ce n’est qu’après avoir utilisé ce slogan que j’ai réalisé qu’il correspondait au passé, au présent et à l’avenir. C’est l’une de ces choses divines qui s’inscrivent dans le cadre de la réconciliation, en ce jour de réconciliation. »
Le 26 avril 2013, l’idée de la Journée du chandail orange a été présentée pour la première fois en public lors d’une journée de développement professionnel destinée aux éducateurs du district scolaire no 27 de la Colombie-Britannique. La pasteure presbytérienne Shannon Bell, de Quesnel, était présente et a été enthousiasmée par l’idée. Elle a contacté Mme Webstad après l’événement pour lui demander si elle pouvait l’aider à faire de la Journée du chandail orange un événement mondial.
« Allez-y, aidez-nous à la rendre mondiale », lui a répondu Mme Webstad.
Par la suite, l’idée lui était quelque peu sortie de la tête. Après tout, cela ne faisait que quelques jours qu’elle avait partagé son histoire et que l’idée de la Journée du chandail orange avait germé. Cependant, cinq mois plus tard, alors que Mme Webstad se trouvait à Vancouver pour la semaine de la réconciliation organisée par la Commission de vérité et réconciliation au Pacific National Exhibition Ground, elle s’est vu remettre un dépliant orange aux couleurs vives. Le dépliant disait « Journée du chandail orange le 30 septembre » et poursuivait : « Portez un chandail orange pour rendre hommage aux enfants qui ont survécu aux pensionnats autochtones et pour vous souvenir de ceux qui n’y ont pas survécu ». Au bas de la page, le dépliant dirigeait les gens vers un groupe Facebook pour la Journée du chandail orange et indiquait en toutes lettres : « Affiche réalisée par Shannon Bell ». Mme Webstad était très surprise.
« Je regarde ce dépliant et je me dis : Quoi? Qu’est-ce qui se passe? Shannon en fait une véritable affaire mondiale. Ils avaient des milliers de dépliants – je ne sais pas combien – et ils les distribuaient aux gens lors de l’événement de la Commission de vérité et réconciliation, ce qui a fait le tour des médias sociaux », explique Mme Webstad. Elle émet alors un son d’explosion. « Et puis tout a explosé. »
Assise dans la salle de conférence de son bureau de Williams Lake, en Colombie-Britannique, où elle vit désormais avec son mari, Mme Webstad me montre son album relatant la première année de la Journée du chandail orange, tout en insistant sur le fait qu’elle n’est « pas du genre à faire des albums ». Elle me montre un échantillon des photos qui ont été mises en ligne en 2013. L’une des photos montre un homme d’une vingtaine d’années, originaire d’Italie, en train de faire de la musculation en portant un chandail orange en soutien à la Journée du chandail orange.
De chômeuse à suremployée, n’ayant plus le temps de faire des albums de souvenirs, Mme Webstad dirige l’Orange Shirt Society avec un employé à temps partiel pour l’aider dans l’administration, dans un bureau situé à seulement 20 kilomètres au nord-ouest de St. Joseph’s. Pendant l’année qu’elle y a passée, Mme Webstad a été transportée en autobus jusqu’à une autre école de Williams Lake pour y suivre des cours pendant la journée, avant d’être ramenée à St. Joseph’s pour y dormir. Heureusement, l’année suivante, une école a été créée dans la réserve de Dog Creek, ce qui lui a permis de retourner vivre chez sa grand-mère et de dormir à nouveau en toute sécurité dans son lit. Sa mère et sa grand-mère n’ont pas eu cette chance : elles ont toutes deux fréquenté le pensionnat toute la journée pendant dix ans chacune. Les visites parentales étaient strictement interdites et elles ne pouvaient rentrer chez elles qu’un mois par an. Dix ans loin de chez elles, et seulement dix mois à la maison.
L’expérience de Mme Webstad n’est qu’une histoire de pensionnat parmi tant d’autres.
« Tout le monde a une histoire, explique-t-elle. La Journée du chandail orange ne concerne pas que moi, elle concerne tout le monde. Pour une raison ou une autre, c’est mon histoire qui ouvre la porte, mais il y en a des milliers d’autres [histoires]. »
Le message de Mme Webstad contribue à modifier la conscience du public et à lui faire connaître la véritable histoire du passé colonial du Canada. Au cours des sept dernières années, la Journée du chandail orange a ouvert la voie à des conversations dans les salles de classe, les entreprises et les communautés sur les pensionnats, la réconciliation et les conséquences intergénérationnelles qui se répercutent dans tout le Canada.
En 2025, les premiers élèves qui ont eu l’occasion de souligner la Journée du chandail orange et d’y prendre part depuis la maternelle obtiendront leur diplôme dans les écoles secondaires canadiennes. La Phyllis Webstad attend avec impatience la promotion des deux classes de finissants de 2025 à Williams Lake, en Colombie-Britannique, où son histoire aura transformé la tragédie en triomphe, un chandail orange à la fois.
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