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Profil de courage : L’homme canadien qui a sauvé son frère après une accident d’hélicoptère

Madden Sarver a secouru son frère grièvement blessé après leur hélicoptère s’est écrasé dans une région montagneuse éloignée près de Grande Cache. Alberta le 30 janvier 2009.

  • Published Jul 28, 2022
  • Updated Aug 11
  • 1,278 words
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Les arbres couverts de neige et les sommets blancs des montagnes après une tempête de neige à Grande Cache en Alberta. Cette photo donne un aperçu du relief dans lequel l’hélicoptère de Madden Sarver s’est écrasé. (Photo: Lin Lyle/Club de photo Can Geo)
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C’est le 20 juillet 1972 que lui a été remise pour la première fois une décoration canadienne pour acte de bravoure. Pour souligner le 50e anniversaire de la remise de cette décoration, Canadian Geographic s’est entretenu avec cinq personnes qui ont été décorées pour un acte d’altruisme exceptionnel. Cette série d’entretiens s’inscrit dans le cadre de Commémoration Canada, programme de Patrimoine Canada, qui vise à souligner d’importantes dates anniversaires au Canada. C’est donc l’occasion pour Canadian Geographic de revenir sur ces moments de l’histoire avec un regard parfois enthousiaste, parfois critique.

« Le moteur est en panne », a annoncé calmement Klint Sarver à son frère, Madden, assis à ses côtés dans le cockpit de l’hélicoptère. « Je n’ai plus de puissance. »  

Madden Sarver regardait la crête de pins qui se dressait devant eux. « Vas-tu pouvoir surmonter cette colline? », a-t-il demandé à son frère.

« Non », a répondu celui-ci, imperturbable. « On va se poser dans les bois. »

Les frères survolaient une crête à bord d’un R-44 en direction de Grande Cache, dans le Nord de l’Alberta, quand ils ont été surpris par une tempête hivernale. « Quatre-vingt-dix pour cent des gens ne seraient jamais passés au travers », a dit Madden Sarver. Klint Sarver, pilote expérimenté, demeurait imperturbable, même une fois le carburateur de son R-44 gelé, ce qui avait causé la panne du moteur et l’obligeait à poser l’appareil. 

Il a dirigé l’hélicoptère en difficulté vers une petite clairière entourée d’arbres. L’aspect le plus mortel d’un accident d’hélicoptère n’est pas l’écrasement lui-même, mais les pales du rotor qui tournent une fois que l’hélicoptère a touché le sol. Klint Sarver cherchait à briser les pales sur les troncs d’arbres. Mais ça n’a pas fonctionné. « Les pales sectionnaient les arbres comme une tondeuse à gazon », a expliqué Madden Sarver. « Clac, clac, clac. » Finalement, l’une des pales s’est coincée dans un tronc et l’hélice a subitement stoppé sa rotation. 

Madden Sarver a perdu connaissance. Une fois revenu à lui, il s’est rendu compte qu’il était couché par-dessus son frère à l’intérieur de l’hélicoptère, lequel était renversé sur le côté sur le sol de la forêt. Après une rapide auto-évaluation, il a déterminé qu’il n’était pas blessé. Il a ensuite dit à son frère : « C’est la chose la plus géniale qu’on ait faite. On a survécu à un écrasement d’hélicoptère, mon gars. »

Le gouverneur général David Johnston remet la Médaille de la bravoure à Madden Sarver, M.B., le 24 février 2012. La Médaille de la bravoure reconnaît les actes de bravoure accomplis dans des circonstances dangereuses. (Photo: Sdt Ariane Montambeault, Rideau Hall, Bureau du secrétaire du gouverneur général (BSGG) GG2012-0054-038)
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Klint Sarver, lui, était moins enthousiaste. « Ça ne va vraiment pas », a-t-il rétorqué à son frère. « Je ne sais pas ce qui s’est passé. Mais je suis blessé. Tu dois me sortir d’ici. » Plus tard, Madden Sarver apprendra que son frère avait des côtes cassées qui avaient perforé ses poumons. Il se vidait de son sang. 

Madden Sarver a donc extirpé son frère de la carcasse de l’hélicoptère et de la pile de cimes d’arbres brisées par les pales du rotor. Après avoir étendu une bâche et fait un feu, il est ensuite retourné à la carcasse du R-44 pour trouver le radiophare de repérage d’urgence. Le choc causé par l’écrasement aurait dû activer le dispositif pour alerter les secours, mais l’appareil ne fonctionnait pas. Il a également récupéré le dispositif SPOT de l’hélicoptère, un appareil de transmission par satellite. Il a appuyé sur le bouton d’urgence plusieurs fois, mais ils se trouvaient dans une zone sans couverture cellulaire. 

C’est alors qu’il a quitté son frère pour effectuer une ascension de 40 minutes afin d’atteindre le sommet de la crête dans l’espoir d’obtenir un signal. Sans succès. Le soleil était couché à son retour auprès de son frère. « Personne ne va venir nous chercher », a-t-il alors annoncé à son frère.

Il a ensuite trafiqué des câbles coaxiaux récupérés dans la carcasse de l’hélicoptère afin de construire une antenne de fortune à brancher au dispositif SPOT. Il a enfoncé le bouton 9-1-1 sans savoir si quelqu’un recevrait le message. Il a aussi tenté d’activer le radiophare de repérage d’urgence, mais il a rapidement perdu son sang froid en voyant qu’il ne fonctionnait pas. « Je me suis énervé et je l’ai frappé sur un arbre, a-t-il révélé. Boum! Et il s’est mis à marcher. » L’écrasement n’avait pas suffi à activer le radiophare, mais la rage de Madden Sarver, elle, l’avait subitement éveillé.

Cependant, Madden Sarver n’allait pas se contenter de rester assis à attendre les secours. Ne portant que des jeans et des souliers de course, et équipé d’une « ridicule lampe de poche à manivelle du magasin à un dollar », il a descendu la montagne, traversé une rivière et fait son chemin jusqu’à la route la plus proche, un périple de quelque trois kilomètres. C’est là qu’il a aperçu une ambulance aérienne STARS (acronyme signifiant Shock Trauma Air Rescue Service) en train de se poser. Il s’est empressé de la rejoindre. 

Médaille de la bravoure. Source : Sgt Johanie Maheu, Rideau Hall, BSGG, GG05-2017-0400-022
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Le pilote a tenté de le convaincre de monter à bord afin de prendre de l’altitude pour obtenir un signal cellulaire et téléphoner au centre de répartition de STARS afin de donner le lieu de l’écrasement. Il a refusé. Il savait que l’équipe de sauvetage STARS l’emmènerait immédiatement en lieux sûrs avant de revenir pour localiser son frère, mais il ne comptait pas l’abandonner dans la montagne. Ils ont argumenté pendant un moment, puis il a proposé un marché au pilote. « Je monte à bord pour téléphoner, a-t-il dit. Mais si tu essaies de quitter les lieux, je fais s’écraser cet appareil. J’en ai déjà fait s’écraser un ce soir. Crois-tu que j’ai peur de le faire une deuxième fois? » 

Le pilote de l’équipe STARS a accepté. Il a donc laissé Madden Sarver au sol en lui promettant qu’il enverrait une équipe de sauvetage à motoneige pour secourir son frère. Madden Sarver a attendu 45 minutes avant de remonter auprès de son frère. « Et c’est une chance que je l’aie fait, a-t-il reconnu. Le feu mourait et Klint commençait à avoir froid. Il a donc « ramassé un tas de bois à brûler » et ravivé le feu. Puis, le son des motoneiges leur a indiqué que l’aide était à proximité. Il est donc redescendu de la montagne pour rejoindre l’équipe de sauvetage et la guider jusqu’à l’endroit où se trouvait son frère. Malheureusement, les motoneiges étaient incapables de franchir la dernière crête, ce qui les obligeait à faire les derniers mètres à pied pour rejoindre son frère.

Il était alors trois heures du matin. Depuis l’écrasement, Madden Sarver avait marché 16 kilomètres et était à la fois déshydraté et épuisé. Son frère était resté seul pendant deux heures, s’affaiblissant devant un feu en voie de s’éteindre. Il avait peur de ce qu’il verrait de l’autre côté de cette ultime colline. 

« J’ai dit à l’équipe de sauvetage : ‘Mon frère pourrait être mort.  Je n’ai pas la force de marcher jusque-là et trouver son corps. Vous devez le faire à ma place.’ » 

Il est donc resté en retrait pendant que les sauveteurs se rendaient jusqu’à son frère. Puis, l’un d’eux a crié : « Il est vivant et il parle. Viens nous rejoindre. » 

Il a fallu près d’un an à Klint Sarver pour se remettre de ses blessures et lutter contre une pneumonie à laquelle ses poumons blessés étaient particulièrement vulnérables. Puis, au mois de février dernier, il a contracté la COVID-19. « Il a presque succombé à la COVID en raison des problèmes liés à ses poumons perforés », a expliqué Madden Sarver. Toutefois, son frère s’est complètement remis et il pilote de nouveau des hélicoptères. Et c’est la même chose pour Madden Sarver, qui a récemment obtenu son brevet de pilote. 

En ce qui concerne la Médaille de la bravoure, il rejette l’idée qu’il soit un héros. « Je vis continuellement dans ce genre d’univers, a-t-il dit. Ce que j’ai fait cette nuit-là n’était qu’un autre jour au boulot. »

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