People & Culture
Rivers of resistance: A history of the Métis Nation of Ontario
“We were tired of hiding behind trees.” The ebb and flow of Métis history as it has unfolded on Ontario’s shores
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Peu après les commémorations du 110e anniversaire de l’exécution de Louis Riel, le 30 novembre 1995, on m’a demandé de présenter le dévoilement officiel d’une statue controversée du chef métis sur le campus de ce qui est maintenant l’Université de Saint-Boniface à Winnipeg. Par sa représentation d’un Riel nu, ligoté, tordu et confiné, le sculpteur Marcien Lemay voulait illustrer le conflit intérieur et la souffrance du leader en tant que martyr. Autour de la statue, sur les murs conçus par l’architecte Étienne Gaboury, sont gravées les célèbres paroles de Riel : « Je sais qu’avec la grâce de Dieu je suis le fondateur du Manitoba ». La statue et ses murs se trouvaient à l’origine sur le terrain de l’édifice législatif du Manitoba, mais après que les Métis eurent protesté contre la représentation de Lemay, arguant qu’elle était insultante à la fois pour Riel et pour son peuple, elle a été remplacée par une représentation de l’artiste Miguel Joyal, dans laquelle Riel apparaît plus comme un homme d’État, brandissant avec assurance la liste des droits qui devait former la base de la Loi sur le Manitoba en 1870.
Ces deux côtés de Riel – martyr et homme d’État – rendent plus difficile pour moi le fait d’écrire à son sujet. Ses pensées politiques radicales après avoir vécu une épiphanie religieuse en 1875 m’ont toujours mis mal à l’aise. Et écrire sur Riel l’homme signifie qu’il ne faut pas occulter ce côté de lui. En tant que professeur de droit et spécialiste des sciences sociales métis, j’ai toujours essayé d’éviter les récits historiques évoquant le « grand homme » qu’était Riel. C’est presque comme si les gens ne pouvaient s’empêcher d’interpréter inconsciemment l’histoire des Métis en termes de récits chrétiens : « Frappe le pasteur, et que les brebis se dispersent! Et je tournerai ma main vers les faibles. »
Riel était les deux à la fois : le prophète visionnaire du Nouveau Monde de Lemay, et le politicien pragmatique intransigeant et fondateur du Manitoba de Joyal. Comme l’a écrit l’auteur anishinaabe Basil Johnston à propos du héros culturel Nanabush : « Il pourrait être généreux ou avare; il pourrait être vrai ou il pourrait être faux; aimer ou haïr. En tant qu’Anishinaabe, Nanabush était humain, noble et fort, ou ignoble et faible. » Il en est de même pour Riel. Si nous voulons appréhender la complexité du personnage, nous devons le faire dans son intégralité, pas simplement en louer les aspects positifs parce que c’est plus facile ou pratique.
Riel était un Métis atypique. Il est né en 1844 à Saint-Boniface dans la colonie de la rivière Rouge (maintenant Winnipeg), dans ce qui était alors connu sous le nom de Terre de Rupert. Alors que le Métis moyen n’aurait même jamais vu une ville de l’est du Canada, comme Montréal, Riel quitte son lieu de naissance à l’âge de 13 ans pour suivre une formation de missionnaire au Collège de Montréal, avec les futures élites politiques et commerciales du Québec. En 1865, il quitte le collège pour entamer un stage avec l’avocat Rodolphe Laflamme, membre radical du Parti rouge qui adopte deux positions politiques qui marquent de façon indélébile la vision de Riel du Nord-Ouest (englobant le Territoire du Nord-Ouest et la Terre de Rupert, qui ne font pas encore partie du Dominion du Canada) : l’anti-Confédération et l’annexion du Canada aux États-Unis.
Le 12 juin 1866, Riel et Marie-Julie Guernon signent un contrat de mariage, mais les parents de cette dernière refusent d’approuver son union avec un « bandit », en référence à son ascendance mixte. Une semaine plus tard, Riel quitte Montréal pour la Terre de Rupert, mais avant de retourner à Saint-Boniface dans la colonie de la rivière Rouge, il séjourne à Minneapolis et à Saint-Paul, au Minnesota. Ce sont des villes que ses compatriotes métis connaissaient bien, car ils exerçaient leur métier de transport le long des sentiers de charrettes usés de la rivière Rouge.
Lorsque Riel arrive finalement à Saint-Boniface le 26 juillet 1868, à l’âge de 23 ans, les choses commencent à changer rapidement dans la colonie de la rivière Rouge, où environ 10 000 Métis forment la population majoritaire. La Compagnie de la Baie d’Hudson possédait le Territoire du Nord-Ouest et la Terre de Rupert, mais l’expansion vers l’ouest des États-Unis menaçait la vision du Canada du premier ministre John A. Macdonald, qui a dès lors commencé à affirmer sa domination sur la région. Les Métis, sentant que cela menaçait leur indépendance, ont commencé à former des patrouilles à cheval, dirigées par Riel, pour arrêter les arpenteurs fédéraux. Bien que le tout soit souvent dépeint comme de simples querelles sur les limites de terrains privés, pour les Métis, il s’agissait en réalité d’une opposition à l’exercice prématuré de la souveraineté du Canada sur le Nord-Ouest, déclenchant le début du soulèvement des Métis en 1869 et 1870, connu sous le nom de la rébellion de la rivière Rouge. Le bruit qui courait à l’époque au sein de la population, et que nous entendons encore aujourd’hui de la part des peuples autochtones, c’est que les gens n’étaient pas consultés.
Motivé par les actions du gouvernement fédéral, Riel forme un gouvernement provisoire le 8 décembre 1869 et rédige une liste de droits pour les Métis quelques mois plus tard avec l’aide de représentants des paroisses locales, et tous ensemble, ils nomment trois délégués pour négocier l’entrée du Nord-Ouest dans la fédération canadienne. Parmi les délégués se trouve le père Joseph-Noël Ritchot, un prêtre catholique romain local qui a reçu des instructions du président Riel pour négocier une revendication territoriale métisse (article 31 de la Loi sur le Manitoba).
Juste avant que la Loi sur le Manitoba ne reçoive la sanction royale en mai 1870, les tensions dans la colonie de la rivière Rouge atteignent un point critique. Thomas Scott, membre du Parti canadien, un petit groupe de protestants anglophones, avait tenté à plusieurs reprises de renverser le gouvernement de Riel et avait été accusé d’insubordination et de trahison. Il est exécuté par un peloton d’exécution sur les ordres de Riel.
Entre 1873 et 1874, Riel est élu trois fois au Parlement fédéral et trois fois la majorité des députés en exercice votent en faveur de son éviction en raison de son rôle dans la rébellion et l’exécution de Scott. Lorsque le gouvernement libéral accorde finalement l’amnistie à Riel en 1875, c’est à la condition qu’il accepte d’être banni des dominions de Sa Majesté pour cinq ans. Riel décide de s’exiler aux États-Unis, où ses pensées reviennent aux idées rouges de l’annexion américaine du Nord-Ouest et de l’anti-Confédération. Il devient antilibéral et embrasse l’ultramontanisme, un mouvement conservateur qui cherchait à rendre l’Église catholique dominante dans les affaires de l’État.
Alors qu’il tente de convaincre le président américain Ulysses S. Grant de menacer d’envahir le Canada s’il ne respecte pas les termes de la Loi sur le Manitoba, Riel vit une expérience religieuse à l’église St. Patrick à Washington, D.C., le 8 décembre 1875, durant laquelle Dieu lui révèle qu’il est le prophète du Nouveau Monde et que les Métis sont le dernier peuple élu de Dieu.
Dans la révélation de Riel, il a été montré que l’Europe était en déclin et que l’influence corruptrice du libéralisme en Italie verrait le Saint-Siège de l’Église catholique transféré à Montréal pendant 457 ans, puis à Saint-Vital, au Manitoba, pendant 1 876 ans, date à laquelle la Seconde Venue du Christ se produirait. En tant que dernier peuple élu de Dieu, les Métis, qui étaient encore un peuple jeune, petit et fragile, devaient se préparer à leur futur rôle.
Si nous voulons appréhender la complexité du personnage qu’est Riel, nous devons le faire dans son intégralité, pas simplement en louer les aspects positifs parce que c’est plus facile ou pratique.
Riel est souvent présenté comme le signe avant-coureur d’un Canada multiculturel, mais cette image est trompeuse. À bien des égards, les opinions de Riel étaient le produit de certaines idées courantes à son époque, notamment que les peuples autochtones d’Amérique du Nord étaient une tribu perdue d’Israël vouée à l’extinction – connue sous le nom de mythe de « l’Indien en voie de disparition ». Riel voyait les États-Unis comme une « Union des États moraux » où chaque État apportait une qualité morale particulière à l’ensemble. Selon Riel, la qualité morale particulière des peuples autochtones pourrait être appelée leur « simplicité volontaire » ou leur volonté de mener un mode de vie simple.
Les 1,4 million d’acres de terre accordés aux Métis dans la Loi du Manitoba de 1870 représentaient environ un septième de la superficie de la province du timbre-poste d’origine, mais Riel a demandé une indemnisation pour les deux septièmes (qui comprenaient la Colombie-Britannique) – soit un septième chacun pour les Métis et les Premières Nations. Si le Canada accédait à ces demandes, Riel a déclaré qu’il amènerait des immigrants de 10 pays en Europe et accorderait à chacun d’eux sa propre province. Si le Canada refusait de céder aux revendications territoriales des Métis, Riel inviterait les immigrants allemands aux États-Unis à envahir l’Ontario, le Québec et les Maritimes, les indemnisant avec ce qui est maintenant le nord de l’Ontario. Riel voulait effacer la frontière canado-américaine du lac Supérieur à l’océan Pacifique et amener des immigrants français et canadiens français au Manitoba. De plus, il déménagerait toutes les Premières Nations et les Métis des États-Unis à la Terre de Rupert, où ils se marieraient avec des immigrants européens pour créer neuf nouveaux peuples métis, en plus des Métis canadiens déjà existants au Manitoba.
Bien que la vision de Riel de l’immigration puisse sembler ouverte à certains égards, elle était plutôt obtuse à beaucoup d’autres. Riel a notamment soutenu l’interdiction de 10 ans imposée par les États-Unis à l’immigration asiatique parce qu’il pensait que ces immigrants n’avaient pas encore de qualité morale à leur apporter. Alors qu’il voyait l’abolition de l’esclavage comme un progrès moral, il stéréotypait l’état moral des Noirs comme étant celui de l’obéissance et d’une disposition chaleureuse et ne voulait rien leur accorder. Bien qu’il ait invité les Juifs américains à créer une « Nouvelle Judée » en Colombie-Britannique, cela était subordonné à leur conversion au christianisme. La ségrégation géographique de Riel ne s’arrêta pas là : toutes les nations situées à l’est des Rocheuses et isolées sur l’île de Vancouver étaient catholiques, tandis que les trois nations protestantes et juives étaient regroupées à l’ouest des Rocheuses, sur le continent de la Colombie-Britannique.
Pour Riel, le maintien du Nord-Ouest au sein de la fédération canadienne ou son annexion aux États-Unis étaient deux options légitimes et, dans les deux cas, il prévoyait une grande union législative du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Même en ce qui concerne les immigrants français et les Canadiens français arrivant au Manitoba en provenance des États-Unis, tous n’étaient pas automatiquement les bienvenus. Il était clair que les Canadiens français devraient renoncer à leur nationalité, se marier avec les Métis et les Premières Nations et s’assimiler à la nation métisse. Riel a également précisé que les Canadiens français qui voulaient venir au Manitoba pour augmenter le troupeau métis ne seraient que des rejetons choisis.
Bien que Riel n’était pas clair sur ce qu’il voulait dire par là, il souhaitait sans aucun doute qu’un organe représentatif des Métis du Manitoba sélectionne des immigrants et que le catholicisme fervent soit une condition nécessaire de l’acceptation. Ce n’est qu’ainsi que le Métis canadien, en tant que peuple nouveau et régénéré, pouvait se préparer à son rôle de peuple élu et recevoir le Saint-Siège.
J’ai une photo de mon père qui date de 1939 environ. Il rend visite à sa grand-mère, Christine (Justine) Richard et à son arrière-grand-mère, Marie-Rose Larocque, à Saint-Eustache, au Manitoba, une communauté métisse bien connue. Né en 1865, Mme Larocque aurait eu cinq ans à la fin de la rébellion de la rivière Rouge. L’article 31 de la Loi sur le Manitoba accordait aux Métis 1,4 million d’acres de terres « pour l’extinction [ou le partage] du titre indien sur les terres de la province ».
Mme Larocque faisait partie des nombreux Métis qui étaient censés recevoir des certificats fonciers, un document qui pouvait être échangé contre des terres, en vertu de l’article 31, mais dont le certificat a fini entre les mains de spéculateurs. C’est une question incroyablement complexe, enchevêtrée dans des enjeux de droit, d’histoire, d’économie politique et d’expansionnisme colonial de l’État canadien naissant. Cependant, l’article 31 n’aurait pas trouvé sa place dans la Loi sur le Manitoba si Riel n’avait pas insisté pour obtenir une sorte d’assise territoriale pour les Métis. Bien que cela fasse partie de l’héritage de Riel, il n’aurait pas pu proposer un règlement de la revendication territoriale sans une large base de soutien parmi son peuple.
Dans la cosmologie ojibwe, l’ojichaag (« l’âme ») voyage vers l’ouest après la mort, tandis que le jiibay (« l’esprit » ou « le fantôme ») reste avec le corps. C’est l’association étudiante de l’Université de Saint-Boniface qui a fait pression pour que la statue de Lemay soit érigée sur le campus en 1995. Riel lui-même était un ancien étudiant de cette institution (alors le Collège de Saint-Boniface), et sa dépouille a été enterrée dans le cimetière de la cathédrale de Saint-Boniface à côté de l’université, après que l’État canadien l’ait pendu pour trahison le 16 novembre 1885. C’était un peu comme si on accueillait le jiibay de Riel à la maison, là où il est enterré, peut-être pour enfin reposer en paix.
C’est le Riel de Lemay à propos duquel j’hésite à écrire, comme pour laisser à l’homme sa dignité en lui épargnant la honte d’assister à nouveau à son humiliation aux mains de l’État canadien. Mais le fait de présenter Riel comme un homme exposé et torturé revêt une signification profonde pour le peuple métis. Car c’est aussi nous en tant que peuple qui avons été dépouillés de notre dignité – dépouillés de nos terres, de nos maisons, de notre histoire, de notre culture et de nos langues, et parfois de notre santé mentale. Et pourtant, les murs qui entourent la figure torturée de Riel – les murs institutionnels d’une prison ou d’un asile – exposent publiquement l’État canadien. Car c’est ce que le Canada a fait à Riel; c’est ce que le Canada nous a fait en tant que peuple. Et cela ne doit pas être oublié, caché ou nié.
Darren O’Toole est un descendant des Bois-Brûlés (wiisaakodewinini) de White Horse Plains au Manitoba et enseigne le droit autochtone et la philosophie juridique autochtone à l’Université d’Ottawa.
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