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En plongée dans la baie de Cambridge

Un coup de projecteur sur la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique et sur ce que les plongeurs découvrent sous la surface de l’océan

  • Published Dec 11, 2024
  • Updated Dec 18
  • 1,065 words
  • 5 minutes
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La recherche et l'exploration de ces eaux résolument glacées sont possibles grâce à l'existence de la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique. (Photo : Amanda Savoie © Musée canadien de la nature)
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Quand Amanda Savoie montre à des gens des photos et des vidéos de ses plongées dans l’océan Arctique au large de Cambridge Bay, au Nunavut, ils sont à chaque fois étonnés par ce qu’ils voient. « L’eau de la baie de Cambridge est cristalline, comme les couleurs tropicales des Caraïbes, dit-elle. Il y a des plages de sable, de l’eau claire mais en fait, elle est glaciale. » Et ce n’est pas seulement la couleur de l’eau qui surprend, mais aussi ce qu’il y a sous la surface, qui est tout aussi époustouflant. Lorsque Mme Savoie a montré des vidéos sous-marines à des aînés inuit de Cambridge Bay, elle raconte qu’ils ont été stupéfaits. Pendant la majeure partie de l’année, la surface de la terre et de la mer se présentent en nuances de blanc et de gris, mais si l’on plonge dans l’océan, on découvre « des anémones, des algues et toute cette vie. Tout est très coloré – rouge, jaune, bleu. »                  

D’autres plongeurs dans ces eaux décrivent des coraux mous, vivant à la limite de la zone photique – la couche supérieure de l’eau qui reçoit la lumière du soleil – qui brillent en rouge, jaune et violet lorsqu’ils sont éclairés par la lampe frontale d’un plongeur. Et puis il y a la riche vie marine qui nage autour, y compris des populations saines de poissons comme la morue, l’omble et le chabot, ainsi que des mammifères comme les phoques et les baleines.

La recherche et l’exploration de ces eaux résolument glacées sont possibles grâce à l’existence de la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA — acronyme anglais : CHARS, pour Canadian High Arctic Research Station), un centre scientifique de 250 millions de dollars qui a ouvert ses portes à Cambridge Bay en 2019. Dirigé par Savoir polaire Canada, ce bâtiment étincelant de plusieurs étages en acier et en verre se trouve à la lisière du village inuit qui compte 2 000 personnes. Depuis 2022, Amanda Savoie dirige les équipes qui utilisent la SCREA, qui comprend un centre de plongée entièrement opérationnel, comme base pour explorer les eaux autour de l’île Victoria.

Roger Bull, Camille Lavoie, Karen Filbee-Dexter et Amanda Savoie à Cambridge Bay. (Photo : Pierre Poirier © Musée canadien de la nature)
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Les plongeurs ont pris des photos d'algues subtidales colorées. (Photo : Roger Bull © Musée canadien de la nature)
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Amanda Savoie présente Laminaria solidungula, une espèce de varech qui ne pousse que dans l'Arctique. (Photo : Roger Bull © Musée canadien de la nature)
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Mme Savoie parle avec un plaisir évident de l’endroit où elle effectue son travail d’été sur le terrain pour étudier les macroalgues marines, appelées goémon ou varech, pour le Musée canadien de la nature et pour Savoir polaire Canada. Elle est l’une des premières à étudier les forêts de varech dans cette partie de l’océan Arctique. Son travail vise en partie à établir un inventaire de référence sur ces forêts afin de mieux comprendre les effets du changement climatique sur cet important écosystème.

Les forêts de varech constituent à la fois un habitat essentiel pour les poissons et un puits de carbone, absorbant et stockant de grandes quantités de gaz carbonique de l’atmosphère au fur et à mesure de leur croissance. Or, les chercheurs ne procèdent que depuis peu à des inventaires exhaustifs pour savoir où poussent les forêts de varech de l’Arctique et en quelle quantité. La SCREA permet d’alléger la logistique de ces recherches.

« C’est comme s’il y avait un magasin de plongée dans l’Arctique, » explique Mme Savoie. C’est une bonne chose, car ailleurs dans l’Arctique, les chercheurs doivent expédier les bouteilles de plongée et les compresseurs par barge un été entier avant de se rendre dans le nord pour une plongée. Le fait qu’une équipe de la SCREA se charge de l’expédition et de l’inspection de l’équipement enlève un poids énorme aux plongeurs en visite – après tout, plonger dans les eaux arctiques glaciales est déjà tout un défi.

Chris Arko était un plongeur expérimenté de la station de recherche qui a aidé à gérer le centre de plongée depuis son ouverture en 2019 jusqu’à la fin de l’année 2023. Résident depuis longtemps à Cambridge Bay, il plonge également dans l’océan Arctique pour le plaisir. Il explique qu’en raison de la salinité, la température de l’eau peut en fait descendre juste en-dessous du point de congélation (0 °Celsius) tout en restant liquide. « Il se passe quelque chose de très intéressant lorsque vous atteignez des températures négatives, explique-t-il. L’eau n’essaie plus seulement de refroidir votre corps, elle essaie physiquement de le faire passer de l’état liquide à l’état solide. »

Cela signifie que vous avez besoin de bien plus qu’une simple combinaison (wet suit) pour plonger et survivre. Les plongeurs portent souvent une doudoune de duvet sous leur combinaison étanche, qui est scellée au niveau du cou et des poignets pour empêcher l’eau de pénétrer. « Vous portez ensuite une cagoule et des gants, de sorte que vos mains et votre tête sont mouillées, mais que votre corps est au chaud. » Mais dans ce type de froid intense, même toutes ces couches ne permettent au plongeur que de passer 45 minutes sous l’eau pour faire ce qu’il a prévu de faire. Ça ne ressemble en rien aux mers du Sud !

La plupart des plongeurs de la SCREA sont des chercheurs venant du sud. En raison de l’équipement spécialisé, il s’agit d’un loisir coûteux, ce qui peut exclure la participation des membres de la communauté locale. Arko a déjà travaillé avec deux plongeurs inuits à la SCREA, mais il affirme qu’aucun membre de la communauté ne plonge actuellement à Cambridge Bay, bien qu’il connaisse des plongeurs inuits à Pond Inlet et à Pangnirtung.

Il espère néanmoins que la station de recherche permettra de relancer la plongée locale et de lui assurer un avenir prospère. « Un certain nombre de membres de la communauté ont pratiqué la plongée dans le passé, » explique-t-il. Le père de l’un de ses collègues, par exemple, a été un plongeur passionné pendant des années. « Ils ont fait des choses fantastiques comme le nettoyage des déchets dans la baie, où ils plongeaient et accrochaient des cordes aux débris pour que les gens les remontent ».

Bien que la SCREA soit une installation extraordinaire, c’est la beauté de ce qui se trouve sous les eaux de l’océan Arctique qui incite les plongeurs comme Savoie et Arko à revenir à Cambridge Bay. « J’ai eu le privilège absolu de plonger avec des narvals ici, déclare Arko. Être sous l’eau avec des narvals est le plus proche que vous pouvez expérimenter de plonger avec des licornes ».

Concombres de mer, anémones et algues à l'ouest de Cambridge Bay. (Photo : Amanda Savoie © Musée canadien de la nature)
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