History
L’histoire inédite de la Compagnie de la Baie d’Hudson
Une rétrospective des débuts de l’institution fondée il y a 350 ans, qui revendiquait autrefois une part importante du globe
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Vincent, titulaire d’une chaire de recherche en biologie à l’Université Laval, étudie des lacs couverts de glace sur l’île Ward Hunt et sur la côte la plus septentrionale de l’île d’Ellesmere, juste à côté. La couverture de glace permanente isole ces étendues d’eau inhabituelles du monde extérieur depuis des millénaires. « Elles se trouvent dans un désert polaire », dit Vincent. « Les précipitations sont très faibles — cela ressemble à un désert —, mais il fait très froid. L’hiver nous avons enregistré des températures pouvant atteindre -50 C et une absence de lumière quasi complète. Mais ces lacs sont loin d’être morts. Ils se passent bien des choses sous la surface. »
Certains des lacs renferment des couches d’eau de mer ancienne, vestiges du temps où la côte septentrionale émergeait de l’océan il y a des milliers d’années, ainsi que de la nouvelle eau douce issue des précipitations et de la fonte. Les deux eaux ne se mélangent jamais. La température de l’eau augmente avec la profondeur, l’inverse des lacs habituels. « Les lacs couverts de glace sont comme des serres », explique Vincent, « ils absorbent de l’énergie par la glace. Cette énergie s’accumule et est conservée. Il s’agit d’un laboratoire incroyable : en analyser les couches est tout comme de lire un manuel ».
En 2014, Vincent et son équipe ont pratiqué un trou dans la glace du lac Ward Hunt pour descendre une caméra vidéo GoPro, en prenant soin d’éviter de contaminer les eaux pures avec des organismes étrangers. Des images très nettes de la glace ont rempli le moniteur et, curieusement, on a noté la présence de bulles. Ce phénomène suggère une activité biologique. La caméra, une fois rendue presque au fond, a révélé un paysage sous-marin remarquable : couche luxuriante de tapis microbiens, tapis de mousse et quelques mystérieuses structures annulaires, encore non identifiées.
« Un groupe d’organismes vit très bien dans ce type d’environnement », dit Vincent. « Les cyanobactéries. Leur coloration — marron, noire ou couleurs vives — est en fait une forme d’écran solaire qu’elles ont développé il y a des milliards d’années pour se protéger du rayonnement ultraviolet alors qu’il n’y avait pas de couche d’ozone. Elles ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de la vie. Il y a aussi les picocyanobactéries : prenez un cube de sucre, divisez-le par un million, recommencez et cela vous donnera une idée de leur petitesse. Il s’agit de piles solaires miniaturisées très sophistiquées. Elles ne font pas que survivre dans ces environnements extrêmes — elles y foisonnent. »
Un lac couvert de glace au nom trompeusement banal, le lac A, héberge des formes de vie encore plus petites qu’on qualifie de virus sauvages. « Ils existent naturellement », explique Vincent. « Nous en avons découvert un groupe très particulier sur l’île d’Ellesmere et des données révèlent qu’il y en a partout sur Terre. En fait, les virus sauvages sont les particules biologiques les plus répandues et abondantes sur la planète. En raison de leur rôle dans la mobilisation du carbone et le transfert de l’information génétique d’une cellule à l’autre, ils nous touchent directement. Ils constituent une des pièces essentielles du système de soutien de la vie planétaire. »
Ces nouvelles connaissances proviennent d’une technique puissante novatrice, l’analyse d&rsqrsquo;ADN à haut débit, qui procure bien plus de données qu’un microscope et révèle précisément la nature des organismes présents. Les résultats sont étonnants, dit Vincent. « Ces dernières années, nous avons découvert à quel point la biodiversité de la planète est spectaculaire. La frontière nord du Canada est en lien avec le reste du monde. Nous tentons de découvrir la vie sur Mars, mais nous en savons vraiment très peu sur la vie sur Terre. Il y a beaucoup à apprendre. »
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