Places

Grosse-Île : L’île de quarantaine du Canada

Lors de la migration massive des Irlandais au Canada, il y a 175 ans, quelque 100 000 personnes ont transité par l’île de quarantaine et plus de 5 000 y sont mortes.

  • Published Mar 30, 2022
  • Updated Jul 03, 2024
  • 781 words
  • 4 minutes
[ Available in English ]
Un hôtel abandonné, construit en 1893 sur la rive ouest de Grosse-Île, au Québec. (Photo : Xavier Plamondon)
Expand Image
Advertisement
Advertisement
Advertisement

Cette année marque le 175e anniversaire de l’immigration massive des Irlandais au Canada pendant la Grande Famine en Irlande. En 1847, plus de 100 000 Irlandais se sont embarqués pour le Canada, mais on estime qu’une personne sur cinq n’a pas survécu aux dures conditions de vie à bord des navires. Canadian Geographic explore cet événement sous l’angle de la géographie, avec une visite à Grosse-Île, l’île de quarantaine du Canada. Cet article s’inscrit dans le programme Commémoration Canada de Patrimoine Canada dont l’objectif est de souligner d’importants anniversaires canadiens. Il donne à Canadian Geographic l’occasion de se pencher sur ces moments de l’histoire avec un regard parfois élogieux, parfois critique.


Grosse-Île fait partie de l’archipel de L’Isle-aux-Grues, dans le fleuve Saint-Laurent, à 48 km en aval de la ville de Québec. Ne faisant guère plus de 5 km de long et 1,6 km de large, ce petit bijou d’île est un paradis pour les botanistes. Des massifs de plantes rares, comme la curieusement nommée fougère mâle et la colorée gentiane de Victorin, poussent sur les rives de petites baies rocheuses, et des champs de scirpe d’Amérique dansent dans la brise sous les bosquets d’aulnes mouchetés à écorce lisse qui peuplent des hectares de terres humides. Le sapin baumier et l’érable rouge sont légion. Et pourtant, sous la beauté de la nature, une aura de tristesse se dégage.

En 1832, en raison d’une épidémie de choléra en Europe, l’île inhabitée est transformée en station de quarantaine pour les navires d’immigrants en route vers la ville de Québec. Les bâtiments d’origine de l’hôpital, blancs et bas, et, derrière eux, une petite église, sont toujours là, cachés parmi les arbres de ce qui est aujourd’hui le lieu historique national de la Grosse-Île-et-du-Mémorial-des-Irlandais.

La croix celtique érigée sur Telegraph Hill en 1909 pour commémorer ceux qui sont morts à Grosse-Île en 1847-1848. (Parcs Canada)
Expand Image

Pourquoi les Irlandais, demanderez-vous? Après l’échec catastrophique de la récolte de pommes de terre en 1845 (An Gorta Mór, la Grande Famine, un événement indélébile dans l’histoire de l’Irlande), des dizaines de milliers d’Irlandais affamés fuient leur pays, tentant désespérément de gagner le Nouveau Monde. La vie à bord des navires est difficile, les conditions sont inhumaines. Les passagers dépendent d’une allocation hebdomadaire de sept livres (environ trois kilogrammes) de nourriture et d’à peine assez d’eau pour boire et cuisiner. La maladie et la mort guettent les personnes fuyant l’île d’Émeraude, noircie par des champs de pommes de terre en putréfaction.

Le 17 mai 2022 marque le 175e anniversaire du début de l’un des épisodes les plus tristes de l’histoire du continent américain. L’arrivée du « navire-cercueil » Syria à Grosse-Île en 1847 est le signe précurseur d’une épidémie massive de fièvre typhoïde touchant hommes, femmes et enfants. Sur les 241 passagers du navire, il y a d’abord 84 cas à bord. Peu après, plus de 100 personnes doivent être admises dans un hôpital qui ne peut en accueillir que 150.

Une semaine plus tard, 30 autres navires attendent au large pour débarquer leurs malades. Le 31 mai, 1 100 personnes fiévreuses s’entassent sur Grosse-Île, et 45 000 autres immigrants sont attendus sous peu. La misère et la souffrance défient l’entendement, et il est pratiquement impossible de prodiguer des soins médicaux.

De toute évidence, les installations ne suffisent pas et, à la fin de l’été 1847, on cesse d’utiliser Grosse-Île comme site de quarantaine (même si l’île a été rouverte plus tard à cette fin et ce, jusque dans les années 1930). On isole plutôt les malades et les personnes apparemment en bonne santé sur les navires. Dans un premier exemple horrible, le navire Agnes arrive d’Irlande le 27 mai 1847 avec 427 personnes à son bord. Les passagers sont mis en quarantaine sur le navire; 15 jours plus tard, seulement 150 personnes sont encore en vie. La fonction de station de quarantaine de Grosse-Île est reprise par un hôpital existant et de nouveaux hangars spécialement construits à Pointe-Saint-Charles, dans le sud-ouest de Montréal.

Un dortoir restauré du Lazaret, un hôpital construit en 1847 sur Grosse-Île. (Photo : Parcs Canada)
Expand Image

Aujourd’hui, la croix celtique se dresse sur Telegraph Hill, sommet de l’île. Érigée le jour de la fête de l’Assomption en 1909 par l’Ancien Ordre des Hiberniens d’Amérique, la croix porte trois inscriptions, une en français, une en anglais et une en irlandais. L’inscription en français se lit comme suit : « À la pieuse mémoire de milliers d’Irlandais qui, pour garder la foi, souffrirent la faim et l’exil et, victimes du typhus, finirent ici leur douloureux pèlerinage, consolés et fortifiés par le prêtre canadien. »

La croix marque l’extrémité d’une longue prairie, bordée à l’autre bout par la baie du Choléra. C’est là où reposent les 5 294 victimes. Si vous visitez Grosse-Île, prêtez l’oreille, car dans le cri larmoyant des mouettes et le crachotement mélancolique des gouttes de pluie, l’aura de tristesse demeure.

Advertisement

Help us tell Canada’s story

You can support Canadian Geographic in 3 ways:

Related Content

Places

Grosse Île: Canada’s quarantine island

During the mass Irish migration to Canada 175 years ago, some 100,000 people passed through the quarantine island — and more than 5,000 died there

  • 714 words
  • 3 minutes

Travel

Roadtripping Northern Ireland’s Coastal Causeway Route

This historic route is a must-drive for any traveller seeking the freedom of the open road with a healthy dose of amazing vistas

  • 1200 words
  • 5 minutes

History

New exhibition commemorates the Empress of Ireland sinking

While most Canadians were asleep, the 100th anniversary of Canada’s worst maritime disaster ticked by.At 2:10 a.m. on May 29, 1914, the Empress of Ireland was…

  • 388 words
  • 2 minutes
York Redoubt, near the mouth of the Halifax Harbour in Nova Scotia

History

Parks Canada places commemorating the First World War

Sites across Canada honouring the war

  • 1412 words
  • 6 minutes
Advertisement
Advertisement