Sur la période précédant les expulsions
Au début [après l’arrivée au pouvoir d’Idi Amin], nous n’avions pas peur d’être expulsés. Cela ne nous avait jamais effleuré l’esprit. Nous pensions qu’il s’agirait d’une période difficile à traverser. Et puis au mois de juin 1972, avant que tout ne se produise, l’armée, avec laquelle mon père était très lié, l’a averti qu’il ferait mieux de disparaître. Et beaucoup d’amis de mon père avaient commencé à disparaître. C’est alors que mon père — il ne nous a jamais vraiment parlé [des circonstances] — s’est échappé. Il s’est réfugié en Angleterre [où se trouvait sa mère et où Jaffer et une sœur étudiaient]. Nos problèmes ont donc commencé en juin 1972. Mais par ailleurs, la vie se déroulait normalement. Oui, mon père a dû s’enfuir, mais personne ne croyait vraiment que nous serions expulsés [du pays]. Je suis retournée en Ouganda en août pour le mariage de mon beau-frère — c’est alors que nous avons entendu annoncer que le gouvernement avait demandé à tous les Asiatiques de partir. L’armée est venue nous chercher, moi et mon mari. Il ne voulait pas les laisser me prendre. Alors, ils l’ont emmené.
La chance et les relations
Pendant des années, j’ai fait des cauchemars. Deux militaires avaient braqué leur fusil sur la tête [de mon mari] et deux autres sur son ventre. Ils l’avaient emmené de force dans une jeep. Nous pensions que c’était la fin, mais heureusement la police est arrivée — ils étaient très proches de mon beau-père et ils ont insisté pour emmener mon mari à la caserne de police. À la fin de la journée, heureusement, mon mari est rentré à la maison. Nous avons eu beaucoup de chance. Lorsqu’une personne était emmenée, elle disparaissait.
Sur le choix du Canada
Mon père a dit qu’il avait décidé de venir au Canada, car il croyait que dans ce pays, ses petits-enfants ne seraient pas déportés, qu’ils ne subiraient pas le même sort. Et, vous savez, il avait la possibilité d’aller dans bien d’autres pays, mais il a choisi le Canada. Il est venu [via l’Angleterre] en 1974. Et en 1975, mon mari et moi sommes venus au Canada.