People & Culture

50 ans de multiculturalisme : aussi canadien que le sirop d’érable

Michael Adams, président du groupe de sociétés Environics et contributeur régulier de commentaires publiés sur les valeurs et les tendances sociales canadiennes, affirme que la plupart des Canadiens considèrent le multiculturalisme comme un symbole important de nos aspirations en tant que société

  • Published Oct 07, 2021
  • Updated Jun 26, 2024
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Le 8 octobre 1971, le premier ministre Trudeau annonçait que le multiculturalisme devenait une politique officielle du gouvernement. À l’occasion du 50e anniversaire de cette annonce, Canadian Geographic publie cinq essais de réflexion sur ce thème. La série fait partie de Commémorons le Canada, un programme du ministère du Patrimoine canadien visant à souligner les anniversaires canadiens importants. Elle donne au Canadian Geographic l’occasion d’examiner ces moments de l’histoire d’un ?il tantôt critique, tantôt commémoratif.


La politique de multiculturalisme du Canada a occupé les intellectuels du pays pendant des années. Des livres et des articles ont été publiés pour demander si cette politique rapproche ou éloigne les personnes d’origines diverses. Des débats ont eu lieu pour savoir si elle renforçait ou diluait la dualité linguistique du Canada. Des philosophes ont tenté de déterminer où la notion d’accommodement multiculturel atteint ses limites dans une société libérale. Personne n’a épuisé le sujet à ce jour.

Pour les Canadiens ordinaires, toutefois, le multiculturalisme s’est avéré moins controversé. Les opinions ont toujours été plus positives que négatives. En 2002, trois Canadiens sur quatre approuvaient la politique fédérale de multiculturalisme, contre seulement 15 pour cent qui la désapprouvaient. La même année, une grande majorité de Canadiens croyaient que la politique permettait une meilleure compréhension entre les différents groupes du pays, tandis que seule une minorité pensait qu’elle engendrait davantage de conflits ou risquait d’éroder l’identité ou la culture canadienne.

Plus remarquable encore que l’approbation générale du multiculturalisme en tant que politique est la mesure dans laquelle nous l’avons intégré à notre propre sentiment d’identité nationale. Interrogés dans le cadre d’enquêtes régulières menées sur une période de 30 ans, de 1985 à 2015, pas moins de sept Canadiens sur dix ont déclaré que le multiculturalisme était important pour l’identité canadienne. En 2015, ce chiffre a atteint 87 %.

Ce n’est pas que les Canadiens se sentent obligés de répondre positivement au concept lorsque les sondeurs le leur présentent. Ils sont également plus susceptibles de mentionner spontanément le multiculturalisme que toute autre politique ou valeur dans les questions ouvertes – celles qui leur permettent de répondre dans leurs propres mots. Dans un nouveau sondage réalisé en septembre 2021, par exemple, les Canadiens étaient plus susceptibles de mentionner le multiculturalisme que toute autre idée qui leur venait à l’esprit lorsqu’ils décrivaient, dans leurs propres mots, ce qui rend le Canada unique. 31 % d’entre eux ont mentionné le multiculturalisme de façon spécifique, soit plus de deux fois et demie plus que les autres éléments les plus populaires (le pays, la liberté et la démocratie – chacun mentionné par 12 %). Quarante pour cent ont mentionné soit le multiculturalisme, soit l’acceptation des immigrants et des réfugiés, soit le caractère inclusif du pays. Les orignaux, les Rocheuses et la police montée ont été remplacés dans notre imaginaire par le concept piétonnier de « multiculturalisme ». Un concept qu’un bureaucrate fédéral a inventé en 1971. Seulement au Canada.

Les opinions sur le multiculturalisme n’existent pas en vase clos – elles sont liées aux opinions sur un éventail beaucoup plus large de questions liées à la diversité du pays. Au cours des cinq décennies qui ont suivi l’adoption de la politique de multiculturalisme, ces opinions ont subi une transformation remarquable. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, les Canadiens étaient deux fois plus susceptibles d’être d’accord que de ne pas être d’accord avec la proposition selon laquelle il y avait trop d’immigration au pays. Aujourd’hui, c’est exactement le contraire : deux fois plus de Canadiens sont en désaccord qu’en accord. Il y a une génération, une majorité était sceptique quant à l’affirmation selon laquelle il est plus difficile pour les personnes non blanches de réussir dans ce pays que pour les personnes blanches ; aujourd’hui, une majorité accepte que ce soit un problème auquel nous devons nous attaquer.

L’une des raisons pour lesquelles les Canadiens sont devenus plus ouverts à l’immigration est certainement la compréhension de son lien avec la croissance économique. Quatre Canadiens sur cinq, par exemple, pensent que, dans l’ensemble, l’immigration a un impact positif sur notre économie. Mais il serait faux de penser que tout se résume à un calcul instrumental. Lorsqu’on demande aux partisans de l’immigration de dire pourquoi ils pensent que les nouveaux arrivants font de notre pays un endroit où il fait bon vivre, leur première réponse n’est pas leur contribution à l’économie, mais le fait que les nouveaux immigrants ajoutent au tissu multiculturel du pays. Cela fait du Canada un endroit plus intéressant et plus énergisant où vivre.

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Les opinions sur le multiculturalisme n’existent pas en vase clos – elles sont liées aux opinions sur un éventail beaucoup plus large de questions liées à la diversité du pays.

Le multiculturalisme recouvre plusieurs dimensions. Il a été une politique, une loi, une disposition de la Charte des droits et libertés et un ministère. Mais pour la plupart des Canadien/nes, il s’agit aussi d’un élément de bon sens, d’un élément quotidien de leur compréhension d’eux-mêmes et de leur pays. En ce sens, elle ressemble à la Loi canadienne sur la santé, qui est chérie non seulement en tant que loi sous-tendant le système de soins de santé, mais aussi en tant que symbole nos aspirations en tant que société.

Les experts continueront à débattre des succès et des défis des politiques gouvernementales. Récemment, on a entendu des préoccupations quant à la sous-utilisation des compétences que les immigrants apportent avec eux, à la situation précaire des travailleurs étrangers temporaires et à la montée de l’islamophobie et d’autres formes d’intolérance. Ces questions, ainsi que d’autres, doivent être traitées tour à tour. Mais elles peuvent être abordées sur la base d’un soutien public solide au caractère multiculturel du pays. La question de savoir si et comment nous pouvons faire mieux est toujours une conversation qui vaut la peine d’être tenue. Mais il ne fait aucun doute que les Canadien/nes ont été et demeurent engag/ées envers les objectifs que nous nous sommes fixés par le biais de la politique du multiculturalisme il y a plusieurs décennies.

Aucun parti politique ou parlementaire élu à notre Chambre des communes lors des récentes élections de septembre 2021, y compris les dizaines de personnes nées à l’étranger, n’envisagerait même de rejeter les principes qui sous-tendent la contribution unique du Canada au vocabulaire du pluralisme. Dans quel autre pays pourrait-on faire une telle démonstration?

Michael Adams est le fondateur et président de l’Environics Institute for Survey Research, une entité à but non lucratif et non partisane dont la mission est de parrainer des recherches pertinentes et originales sur l’opinion publique et la société, sur des questions de politique publique et de changement social. Il est également l’auteur de sept livres, et contribue régulièrement aux commentaires publiés sur les valeurs et les tendances sociales canadiennes. Son livre le plus récent, publié en 2017, s’intitule Could it Happen Here ? Canada in the Age of Trump and Brexit. (Est-ce ça pourrait arriver ici? Le Canada à l’ère de Trump et du Brexit.) 

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