People & Culture

Traité no 3 : Le voyage d’une copie communautaire à travers les mains de ses ancêtres, pendant 150 ans

Cela fit un siècle et demi que le Traité no 3 a été signé. L’aînée anishinaabe Sherry Copenace, dont l’arrière-grand-père était signataire du traité, discute de son histoire et de son importance continue.

  • Published Jul 25, 2024
  • Updated Aug 27
  • 1,092 words
  • 5 minutes
[ Available in English ]
Sherry et sa sœur Hazel Copenace regardent la copie communautaire à Winnipeg. (Photo : Anne Kierans)
Expand Image
Advertisement
Advertisement

S’étendant du nord-ouest de l’Ontario au sud-est du Manitoba, à travers des terres agricoles fertiles et des lacs d’eau douce, se trouve le territoire du Traité de l’Angle Nord-Ouest, également connu sous le nom de Traité no 3.

À l’automne 1873, après quatre ans de négociations, des représentants de la Couronne ont rencontré les Anishinaabeg sur les rives du lac des Bois. À contrecœur, 24 chefs anishinaabeg ont signé un traité – le troisième des 11 traités numérotés signés après la Confédération du Canada – et ont accepté de partager leur territoire de 55 000 milles carrés avec les Britanniques.

L’un des chefs anishinaabeg était le chef de la Première Nation Naotkamegwanning, Paabamasagaa, arrière-grand-père de l’aînée anishinaabe Sherry Copenace. Plus tôt cette année, après 150 ans passés entre les mains d’agents des indiens et de conservateurs de musées, Bibliothèque et Archives Canada a envoyé à Paabamasagaa une copie du traité dans le cadre d’une tournée sur le territoire. L’un des arrêts a été le musée du lac des Bois, où Copenace réfléchit au long et tortueux voyage du copie, l’héritage de son arrière-grand-père et à l’importance de comprendre que nous sommes tous des peuples signataires d’un traité.

La petite-fille de Bob Roy, Mary Lorraine Mandamin, tenant sa médaille. (Photo : Sherry Copenace)
Expand Image

Grandir en tant qu’Anishinaabe

J’ai grandi dans ma communauté natale, à l’est du lac des Bois. Comme je n’ai pas eu à apprendre l’anglais avant d’aller à la maternelle, je ne connaissais pas vraiment le monde extérieur. J’ai vécu avec mes parents et mes sœurs, et nous habitions juste à côté de mes grands-parents paternels. Quand j’ai grandi un peu, je suis allée dans les villes voisines. Même si je ne savais pas comment appeler cela à l’époque, je savais que mon peuple n’était pas vraiment apprécié et que nous avions toujours l’impression d’être inférieurs.

En savoir plus sur le Traité no 3

Ma mère parlait toujours du traité à ses cousines et à ses sœurs. Quand j’étais petite, je ne comprenais pas vraiment de quoi elles parlaient, mais je savais qu’il y avait ce document, ces promesses qui étaient faites. Ce que j’ai compris, c’est qu’il y a toujours eu des traités. Avec le Traité no 3, nos ancêtres ont tout fait spirituellement et cérémoniellement pour nous parce qu’ils voulaient nous laisser quelque chose aujourd’hui. Même si je suis une descendante, nous sommes tous des gens liés par un traité. Que cela nous plaise ou non, nous avons tous la responsabilité de le respecter.

Sur la copie du chef Paabamasagaa

J’étais encore bébé quand mon arrière-grand-père est décédé, je ne me souviens donc pas de lui, mais il y a une photo. Son nom anglais était John Robert Roy, mais tout le monde l’appelait Bob Roy, et sa femme s’appelait Bella Roy. Mes arrière-grands-parents s’occupaient d’un exemplaire communautaire du Traité no 3. J’ai entendu dire qu’ils avaient une maison à deux étages et qu’au deuxième étage, ils gardaient un coffre où ils gardaient cet exemplaire communautaire ainsi que deux médailles de commerce. Les enfants apprenaient dès leur plus jeune âge qu’il y avait quelque chose de très spécial et de sacré là-dedans, donc ils ne jouaient pas autour ou dans ce coffre.

Sherry regarde la copie communautaire au Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg. (Photo : Anne Kierans)
Expand Image

Sur le parcours de la copie communautaire

Lorsque mon arrière-grand-père est décédé, nous croyons que ses insignes et la copie communautaire ont été confisqués par un agent des Indiens. Des documents au Musée du lac des Bois indiquent que ses insignes ont été apportés là au début des années 1940 par un agent des Indiens. La copie communautaire a ensuite été retrouvée au palais de justice de Kenora au milieu des années 1970. Finalement, ma grand-tante, l’une des filles de Bob Roy, est allée la réclamer. Plus tard, elle a été exposée au Musée du lac des Bois, puis au Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg. Les gens croient que c’est la seule copie communautaire survivante des 24 copies fabriquées.

En saluant le Traité no 3

À la fin du mois d’avril de l’année dernière, avec l’aide du Grand Conseil, mes tantes et moi avons pu passer du temps avec le document au Musée du lac des Bois, avec les insignes de mon arrière-grand-père et une de ses médailles, avant qu’il ne soit rendu public. Il a fallu le conserver dans un environnement à température contrôlée en raison de sa fragilité. Même l’écriture s’était dégradée ! Nous y sommes restés quelques heures. Nous avons invité des membres de la famille, mais la personne qui a dirigé l’événement était ma grand-tante. Nous l’avons ensuite festoyé, en remerciant ce document. Nous l’avons fait de nouveau à Winnipeg avec l’aide de Robert Greene, l’aîné en résidence au Musée canadien pour les droits de la personne.

Sur les négociations et les promesses du traité

Même si nos ancêtres ne parlaient pas un mot d’anglais, ils en savaient assez. Ils étaient assez intelligents pour embaucher des gens pour prendre des notes à leur place. Ils voulaient quelque chose qui puisse survivre longtemps. Tant que le soleil brille, que l’herbe pousse et que l’eau coule, cela fait partie du Traité no 3. Nous avons notamment négocié que nos besoins médicaux seraient toujours pris en charge. Mais nous sommes en 2024, et ce n’est pas le cas. Pour moi, la préservation de l’eau potable fait partie du traité. L’eau n’est pas une ressource. C’est un élément relatif, tout comme la terre et l’herbe. Il est donc de notre responsabilité de nous assurer que tout le monde respecte cette obligation, car tout sur cette terre a besoin d’eau pour se maintenir. Nos ancêtres ont accepté d’autoriser l’accès et de partager la terre avec les gens. Nous avons autorisé l’accès et nous n’avons commis aucun acte de guerre contre qui que ce soit. Nous avons donc respecté notre part du traité. Mais malheureusement, la Couronne et les représentants du gouvernement canadien ne l’ont pas fait.

Sur des pas en avant

Nous pensons que notre arrière-grand-père avait la foi qu’un jour les traités seraient pleinement respectés. Nous poursuivons donc ce travail pour lui de plusieurs façons, que ce soit spirituellement, émotionnellement ou cérémoniellement. Tout continue d’être fait pour nous éradiquer, mais cela n’arrivera pas. Il y a eu de très nombreuses tentatives pour y parvenir, mais nous sommes toujours là et nous continuerons d’être ici. Même si nous sommes confrontés à de nombreux défis sociaux de nature systémique et structurelle, nous n’avons jamais abandonné cet aspect spirituelle, sacrée de notre vie dans le Traité no 3.

Advertisement

Help us tell Canada’s story

You can support Canadian Geographic in 3 ways:

Related Content

People & Culture

Excerpt from Manomin: Caring for Ecosystems and Each Other

Grounded in Indigenous methodologies, Manomin examines our interconnectedness with the natural world

  • 2324 words
  • 10 minutes

History

L’histoire inédite de la Compagnie de la Baie d’Hudson

Une rétrospective des débuts de l’institution fondée il y a 350 ans, qui revendiquait autrefois une part importante du globe

  • 5124 words
  • 21 minutes

People & Culture

Kahkiihtwaam ee-pee-kiiweehtataahk : faire revivre la langue

Comment une langue autochtone gravement menacée peut être sauvée

  • 7440 words
  • 30 minutes

People & Culture

Le chef Perry Bellegarde parle des relations fondées sur les traités

Pour les peuples autochtones du Canada, les traités sont encore bien vivants

  • 1034 words
  • 5 minutes
Advertisement
Advertisement