People & Culture

Profile de courage : Le Canadien qui a sauvé une femme des crocs d’un ours polaire

Le 1er novembre 2013, William Ayotte a risqué sa vie pour secourir une femme qui se faisait attaquer par un ours polaire à Churchill, au Manitoba. Il a frappé l’ours avec une pelle, le distrayant assez longtemps pour que la femme puisse s’échapper. L’ours s’est retourné contre lui, et l’a attaqué jusqu’à ce qu’un voisin finisse par faire fuir l’animal en fonçant vers lui en camionnette en klaxonnant.

  • Published Jul 27, 2022
  • Updated Jul 02, 2024
  • 984 words
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Les ours polaires visitent fréquemment Churchill, au Manitoba, ville située au bord de la baie d’Hudson. Photo : Norrie Franko/Club de photo Can Geo
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C’est le 20 juillet 1972 qu’a été remise pour la première fois une décoration canadienne pour acte de bravoure. Pour souligner le 50e anniversaire de la remise de cette décoration, Canadian Geographic s’est entretenu avec cinq personnes qui ont été décorées pour un acte d’altruisme exceptionnel. Cette série d’entretiens s’inscrit dans le cadre de Commémoration Canada, programme de Patrimoine Canada, qui vise à souligner d’importantes dates anniversaires au Canada. C’est donc l’occasion pour Canadian Geographic de revenir sur ces moments de l’histoire avec un regard parfois enthousiaste, parfois critique.

Par un matin froid de novembre à Churchill, au Manitoba, William Ayotte somnolait devant sa télé quand il a entendu les cris d’Erin Greene. Il a ouvert sa porte d’entrée pour voir ce qui se passait. « J’ai tout de suite vu Erin coincée entre les crocs d’un ours polaire et l’ours la secouait dans tous les sens comme une poupée de chiffon », a expliqué William Ayotte.

Pendant un bref instant, William Ayotte est resté immobile, se demandant ce qu’il devait faire. Il s’était débarrassé de ses fusils après que Manitoba Hydro ait construit un barrage qui avait « éliminé la rivière » et pratiquement anéanti les activités de chasse et de pêche dans la région. Il a songé à composer le numéro de téléphone d’urgence pour signaler la présence d’ours polaires à Churchill, mais il se doutait qu’Erin serait morte avant que les secours n’arrivent. 

« Au même moment, j’ai regardé dans la véranda, a-t-il dit. Il y avait une pelle à neige. Et je me suis retrouvé involontairement à franchir la porte pour aller chercher la pelle. Quand j’ai saisi la pelle, je me suis dit : ‘Soit tu fais quelque chose, soit tu ne fais rien.’ » Et donc, William Ayotte, âgé de 69 ans, en pyjama et en pantoufles, a pris sa pelle et s’est lancé vers l’ours. 

Il s’est dit que le meilleur endroit où le frapper serait dans un œil. « Quand je suis arrivé sur place, il m’a regardé. Cet énorme œil me fixait. Je me suis dit : ‘C’est exactement ce que je veux.’ » Il a alors balancé la pelle par-dessus son épaule et a frappé violemment l’œil de l’ours. L’ours, ébranlé, a alors relâché Erin Greene, comme William Ayotte l’espérait. Elle a couru vers la maison de William Ayotte, mais avant qu’il ne puisse tourner les talons et faire de même, il a senti les griffes de l’ours qui agrippait son genou gauche. « Il s’attaquait maintenant à moi. »

Lors d’une cérémonie tenue le 1er mai 2015, le gouverneur général David Johnston a remis l’Étoile du courage à William Ayotte, É.C. L’Étoile du courage reconnaît les actes de courage remarquables accomplis dans des circonstances très périlleuses. Source : Sgt Ronald Duchesne, Rideau Hall, Bureau du secrétaire du gouverneur général (BSGG).
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William Ayotte est parvenu à se mettre sur le ventre. Après l’avoir malmené pendant un moment, l’ours en a eu assez, selon lui. « Ensuite, il avait l’intention de me manger. » L’ours a saisi son oreille entre ses dents et a commencé à l’arracher.  « J’entendais sa langue. J’entendais ma chair se déchirer et tout ça, a-t-il raconté. Mais je ne sentais rien. » William Ayotte ne se préoccupait pourtant pas vraiment de son oreille. Ce qui l’inquiétait était le prochain endroit que l’ours pourrait mordre. 

À ce moment-là, le bruit avait attiré les voisins, qui étaient sortis dans la rue pour tenter d’effrayer l’ours afin qu’il lâche sa proie. L’un d’eux a tiré quelques coups de fusil en l’air, tandis que d’autres criaient. Un voisin a même lancé un soulier. Or, l’ours a continué de malmener William Ayotte jusqu’à ce qu’un voisin fonce vers l’animal avec sa camionnette en klaxonnant et en faisant des appels de phares. Couché sous l’ours, William Ayotte pouvait voir la camionnette arriver. 

« Je me suis dit : ‘Bon sang! Il va renverser l’ours, mais il va me rouler dessus aussi!’ » Fort heureusement, le bruit et les lumières ont fait fuir l’animal avant que la camionnette ne percute l’ours et l’homme.

William Ayotte était étendu sur le sol froid, « tout mâchouillé » et se demandait s’il allait survivre à ses blessures assez longtemps pour savoir si Erin Greene allait survivre aux siennes. Il voulait savoir qu’elle allait bien. Une fois la foule agglutinée autour de lui, il se souvient avoir dit : « Relevez-moi. Relevez-moi. Je ne veux pas mourir par terre comme un animal. Relevez-moi. Je veux me lever et mourir comme un homme. Je veux mourir debout. » 

Étoile du courage (É.C.). Source : Sgt Johanie Maheu, Rideau Hall, BSGG / GG05-2017-0400-020.
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Une des personnes présentes l’a soulevé pour le placer à l’arrière de la camionnette et le conduire à l’hôpital, situé à un kilomètre de là. « Ils m’ont amené en vitesse en salle d’urgence et ils ont immédiatement commencé à me soigner », a-t-il expliqué. Les urgentologues l’ont endormi. À son réveil, il se trouvait 1 000 kilomètres plus au sud, dans un hôpital de Winnipeg.

Dès qu’il a repris connaissance, il a demandé à l’infirmière en poste : « Est-ce que j’ai sauvé la dame? »

« Elle est dans la chambre voisine », a-t-elle répondu. 

« Est-ce qu’elle va bien? », a-t-il demandé. 

« Elle va bien. Elle va recevoir son congé ce soir. »

Erin Greene est passée voir William Ayotte dans sa chambre ce soir-là. Sans ses lunettes et un peu assommé par les médicaments, il ne pouvait pas bien la voir et il garde peu de souvenirs de leur conversation. Il se souvient toutefois lui avoir dit qu’il était heureux de la voir et qu’il était content d’avoir pu la sauver. 

Il a passé une semaine à l’hôpital à Winnipeg, où les médecins ont recousu et agrafé les nombreuses lacérations sur son corps. Il a aussi subi une opération de quatre heures menée par un chirurgien plasticien. « Il a pu remettre mon oreille en place », a-t-il dit. 

Il est ensuite rentré à Churchill, où il a été accueilli en héros.  

Bien qu’il ait croisé Erin Greene en ville de temps en temps dans les années qui ont suivi l’incident, leur échange bref et flou dans la chambre d’hôpital a été la seule fois où les deux survivants ont parlé de leur expérience. « Je ne veux pas ramener ces souvenirs à la surface, a-t-il expliqué Ça pourrait être plus ravageur pour elle que pour moi. » Tout comme lors de cet horrible matin, William Ayotte se souciait plus du bien-être d’Erin Greene que du sien. 

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