People & Culture

Lois tressées en ceintures : trois ceintures wampum Haudenosaunee à connaître

Le sous-chef Cayuga et gardien de la foi, Jock Hill, explique comment les ceintures wampum ont vu le jour – et les connaissances qu’elles contiennent.

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Sur les rives de la rivière Grand, le gardien de la foi et sous-chef Cayuga, Leroy (Jock) Hill, tient une réplique en verre et en ficelle de la ceinture Hiawatha. Les ceintures wampums font partie intégrante de la culture haudenosaunee, leurs perles représentant des lois, des traités et des valeurs. (Photo : Colin Boyd Shafer)
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Cet article est paru initialement sur le site biinaagami.org, une initiative qui suscite le changement et qui vise à mettre en valeur les histoires du bassin versant des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

Imaginez que vous vivez dans une société démocratique dont les lois, les instructions et la structure de gouvernance complexe sont respectées depuis des centaines d’années sans jamais avoir eu besoin d’être écrites. Au lieu de cela, elles sont préservées par des orateurs dévoués et des mains habiles, qui tissent ces enseignements dans des rangées scintillantes de perles violettes et blanches. C’est la réalité des Haudenosaunee, l’une des plus anciennes démocraties du monde.

Haudenosaunee signifie « bâtisseurs de longues maisons » en langue seneca, du nom de nos habitations emblématiques en bois d’orme. Nous, Haudenosaunee, sommes également fréquemment appelés les Iroquois, la Confédération des Six Nations ou simplement onkwehonwe, mot qui désigne le « peuple originel » de cette terre. Nous avons élu domicile dans la région des Grands Lacs depuis que le Créateur a insufflé la vie au sol qui a créé nos corps, et nous restons liés aux terres et aux eaux jusqu’à ce jour.

L’une des qualités les plus reconnaissables des Haudenosaunee et, dans une moindre mesure, des autres cultures des forêts de l’Est, réside dans nos nombreuses ceintures wampums. Il s’agit de documents en perles offerts par nos ancêtres et qui continuent de préserver onkwehonwe’neha, notre façon d’être originelle.

À la réserve des Six Nations de Grand River, le sous-chef Gayogo̱hó:nǫ’ (Cayuga) et gardien de la foi Leroy (Jock) Hill partage certains de ses enseignements sur la Grande loi de la Paix, la façon dont le wampum a vu le jour, et les connaissances intégrées dans trois ceintures wampum : la Grande loi de la Paix, le plat à une cuillère et le wampum à deux rangs.

Ot’kó:wa (Wampum)

Des coquilles de wampum non transformées reposent sous les pâles rayons de soleil qui pénètrent par le trou de fumée de la maison longue de Crawford Lake. (Photo : Scott Parent)
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Dans presque toutes les histoires des peuples autochtones des Grands Lacs, on peut s’attendre à voir apparaître des animaux qui viennent en aide aux humains. Cela s’applique également à la manière dont les coquilles de wampum sont arrivées jusqu’aux Haudenosaunee, comme nous le raconte Jock. Leur origine remonte à l’époque où les nations haudenosaunee se sont unies pour la première fois.

L’un des personnages de ce moment historique était un Onondaga appelé Aiionwatha, nom qui a ensuite été anglicisé pour devenir Hiawatha. En plus de son rôle de porteur de paix, Aiionwatha a également fait des perles de wampum une partie éternelle de la culture haudenosaunee. « Aiionwatha est venu jusqu’à cette eau et a réfléchi à toutes les choses étonnantes qu’il a vues, au pouvoir de l’esprit positif, au pouvoir de la paix », explique Jock.

« Et il a vu des canards. Ces canards ont volé, et ici, ils ont révélé des wampum. Des coquilles et des perles de wampum étaient déposées partout où les canards avaient pris cette eau. Ils avaient remué l’eau juste assez pour qu’il puisse prendre des wampum. Alors, il est entré et a rempli son sac. »

Aiionwatha s’est rendu compte que ces perles pouvaient être assemblées pour former des motifs et créer un enregistrement de la réalisation de la paix sur Terre, explique Jock. « Et il a commencé à se dire : nous pourrions nous en servir pour les enfiler. Alors, Aiionwatha a ramassé toutes ces coquilles, toutes ces perles de wampum – nous les appelons ot’kó:wa. »

Le wampum provient de la coquille intérieure du quahog (palourde dure), un bivalve connu pour son éclat violet distinctif. Après avoir recueilli les coquilles de quahog, un artisan wampum utilise traditionnellement des outils en pierre et en os pour les façonner minutieusement en perles tubulaires. Même avec les outils électriques actuels, la création de formes aussi délicates est extrêmement laborieuse et difficile, et met en valeur le génie d’Aiionwatha et d’autres ancêtres, qui auraient utilisé des pics en os.

La plupart des perles contemporaines sont faites d’autres matériaux plus accessibles, tels que l’argile, le verre et le plastique. Les perles sont ensuite enfilées avec du cuir et des tendons comme moyen de retenir les enseignements importants.

Kayanere’kó:wa (Grande Loi) / La ceinture Hiawatha

Quatre femmes haudenosaunee vêtues de tenues cérémonielles de la couleur du wampum tiennent une réplique en verre de la ceinture Hiawatha. De gauche à droite : Karissa John (Mohawk), la mère de clan Mary Sandy (Oneida), l’aînée Norma Jacobs (Cayuga), Makasa Looking Horse (Mohawk/Lakota). (Photo : Colin Boyd Shafer)
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Jock commence par le début, avant qu’Aiionwatha n’enfile les premières perles. « La plupart des peuples connaissent une période de leur histoire, un âge sombre, où la barbarie régnait et où toutes les mauvaises choses que l’on imagine que les humains peuvent s’infliger les uns aux autres étaient commises. » C’est ce que vivaient les Haudenosaunee, il y a près de mille ans.

Il dit que le Créateur a baissé les yeux et a vu que dans les veines de la Terre mère coulaient le sang de la guerre, des meurtres insensés et d’autres maux. Pour rappeler à nos ancêtres comment suivre leurs instructions originales, le Créateur a envoyé le Messager de la paix, également connu sous le nom de Pacificateur.

Avec l’aide d’Aiionwatha, le Messager a voyagé dans un canot de pierre. Il est allé chez les Mohawks, les Oneidas, les Sénèques et les Cayugas. Une nation à la fois, il les a convaincus d’accepter le message de paix. Ensemble, ces quatre nations ont affronté Atotarho de la nation Onondaga, le sorcier et chef de guerre le plus malveillant de la région. Ils lui ont montré le pouvoir qui réside dans la paix et ont guéri Atotarho de sa malveillance. Les Onondagas rejoignirent ensuite les autres nations et devinrent le chef central des Haudenosaunee, rôle qu’ils occupent encore aujourd’hui.

Sous le Grand Arbre de la Paix, un imposant pin blanc, les chefs ont rendu les armes. « Nous allons ranger les armes de guerre pour que nos petits-enfants ne les voient pas », a déclaré le Pacificateur, selon Jock. Depuis, les Haudenosaunee sont restés en paix les uns avec les autres.

Jock explique qu’ils ont choisi un grand pin blanc parce que chaque grappe contient cinq aiguilles, symbolisant les cinq nations fondatrices. « Cela signifie donc que tous les esprits sont réunis en un seul. Et c’est là que résident notre véritable force et notre pouvoir : forger un avenir caractérisé par la paix, le pouvoir et la droiture morale. Skén:nen, kasahsten:sera, tahnon skanikonri:io.

Le messager a nommé Tsikonhsahse, une femme Haudenosaunee influente, comme première mère de clan et a mis en place le système de clans, déclarant que les femmes Haudenosaunee joueraient un rôle important dans la société. Le Messager « a souligné l’importance du rôle des femmes dans l’instauration et le maintien de la paix et dans la gestion de la population pour que tout le monde reste en paix », explique Jock. Entre autres responsabilités, les mères de clans éliraient les chefs et veilleraient à ce qu’ils représentent les besoins de la communauté, des autres êtres vivants et des générations à venir. De nos jours, le système de chef traditionnel a été en grande partie remplacé par le système de conseil de bande en vertu de la Loi sur les Indiens, même si nous avons toujours des mères de clans.

Après qu’Aiionwatha ait trouvé ces premiers morceaux de wampum, dit Jock, « il les a ramenés à Onondaga et les a montrés au messager de la paix et à Atotarho. Ils ont travaillé ensemble, avec les femmes, et les ont enfilés selon le modèle. » Aiionwatha a dit aux autres : « Ce sera l’enregistrement de la réalisation de la paix sur Terre. Alors, quand les gens verront cela, ils se rendront compte que nous [Haudenosaunee] avons établi la paix ». C’est ainsi qu’Aiionwatha a créé la première ceinture wampum Haudenosaunee, maintenant connue sous le nom de ceinture Hiawatha.

Lorsqu’Aiionwatha a conçu la ceinture, il a disposé les symboles de chaque nation en fonction de sa géographie. D’est en ouest, la ceinture représente les Mohawks, les Oneidas, les Onondagas, les Cayugas et les Sénèques. Le Messager de la paix a désigné les Mohawks et les Sénèques comme gardiens des portes de l’Est et de l’Ouest, respectivement. Jock explique qu’une idée ou une question entre par ces portes, puis est transmise aux « nations petits frères », les Oneidas et les Cayugas. « Une fois qu’elle fait l’unanimité, c’est aux gardiens du feu, les Onondagas, de décider, de prendre la résolution finale. »

Des centaines d’années plus tard, en 1722, les Tuscaroras rejoindront les Haudenosaunee, formant les Six Nations telles que nous les connaissons aujourd’hui. Près de 120 lois Haudenosaunee que le pacificateur a adoptées pour maintenir la paix sont énumérées dans la ceinture d’Aiionwatha. C’est sans équivoque le document le plus fondateur de notre confédération.

Aujourd’hui, le wampum continue d’agir sur notre esprit comme le voulaient ces ancêtres. La ceinture Hiawatha, qui renferme ce savoir dans ses perles, est devenue le symbole le plus omniprésent des Haudenosaunee. Des versions en tissu peuvent être vues flottant sur les mâts de drapeaux de nos alliés du monde entier.

Sewatokwà:tshera (le plat à une cuillère)

Jock brandit une réplique en verre du plat à une cuillère, nous rappelant ainsi nos responsabilités les uns envers les autres, envers la Terre et envers les générations futures. (Photo : Colin Boyd Shafer)
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Le Pacificateur a reconnu que les territoires de chasse constituaient un point de discorde majeur entre toutes les nations de la région. Il a expliqué aux Haudenosaunee comment ils devaient interagir avec toutes nos autres relations – humaines et plus qu’humaines – pour maintenir la paix. Le wampum « Un plat à une cuillère » est un traité précolonial entre les Haudenosaunee et les Anishinaabe qui est encore honoré aujourd’hui.

« Nous mettons tout dans un seul plat », explique Jock. « Un plat va contenir tout ce que la Terre mère contient… Symboliquement, il a mis de la queue de castor cuite dans un plat en bois [et] a dit que nous pouvions tous en prendre un morceau. Et cela représente tout ce qui permet aux humains et à la vie de subsister. »

« Nous avons tous droit à une part de cela. Le plat n’appartient à personne, mais nous avons tous une responsabilité égale, afin que ceux et celles qui viendront après nous puissent y avoir accès et que les « visages à venir » puissent profiter de ce qu’il y a dans le plat. »

Ohwentya’konta yakosonten’iénke, les « visages à venir » en kanyen’kéha, est la façon dont les Haudenosaunee parlent des générations futures. Nous considérons ces générations qui vivront avec les choix que nous faisons aujourd’hui comme nos futurs ancêtres, mais leurs visages ne sont pas encore formés. Lorsqu’une décision est prise, elle doit l’être en tenant compte de tous les ohwentya’konta yakosonten’iénke.

La paix fait toujours partie intégrante de ce wampum, car les Haudenosaunee et les Anishinaabe étaient de redoutables ennemis depuis des siècles. « Nous allons devoir garder le couteau hors de ce plat, car si nous avions un instrument tranchant comme un couteau, cela répandrait à nouveau le sang et nous amènerait à recommencer à faire la guerre. Alors, certains disent, eh bien, vous pouvez utiliser une cuillère, parce que ce n’est pas tranchant. C’est de là que vient ce concept d’un plat à une cuillère. »

La couleur joue également un rôle dans le symbolisme. « Le blanc autour [du plat] représente toute la bonté sur la Terre. Donc : bonne volonté, charité, compassion, partage et bienveillance, tout cela », déclare Jock « Toutes ces valeurs régissent notre comportement avec le plat. » Alors que les groupes de durabilité environnementale utilisent souvent la métaphore du Plat à une cuillère pour nous rappeler de moins consommer, la ceinture concerne notre responsabilité d’humains tant envers les autres humains qu’envers l’environnement.

Dans le contexte colonial actuel, cette ceinture wampum rappelle également aux Haudenosaunee et aux Anishinaabe une entente séculaire conclue entre eux. Sur le territoire du Plat à une cuillère, nous nous élevons les uns les autres, créant ainsi un espace permettant aux groupes culturels et linguistiques de prospérer. Dans les communautés urbaines mixtes, en particulier, nous devons être conscients qu’une voix ou une culture ne devient pas dominante par rapport à l’autre.

Aucun wampum n’a toutefois réussi à empêcher les Haudenosaunee et les Anishinaabe de se moquer les uns des autres à propos de certaines différences culturelles, comme le fait de danser dans des directions opposées. C’est la règle classique « personne ne frappe mon frère à part moi ».

Teyohate Kahswentha (le wampum à deux rangs)

Jock Hill et Norma Jacobs tiennent une réplique en argile du wampum à deux rangs, qui représente les premières ententes entre les Haudenosaunee et les colons européens. (Photo : Colin Boyd Shafer)
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Les Haudenosaunee « doivent s’efforcer d’étendre cette branche de la paix à tous ceux que [nous] rencontrons », déclare Jock, selon les instructions données par le Pacificateur. Désignés comme les « gardiens de la porte de l’Est », ce sont les Mohawks qui ont découvert l’imposante domination européenne vers l’ouest, le long du fleuve Saint-Laurent.

Les Mohawks ont transmis ces renseignements au feu du conseil des Haudenosaunee et « notre peuple a compris que nous devions nous asseoir et déterminer comment nous allions coexister », explique Jock. Toutes sortes de nations européennes arriveraient à la porte de l’Est au cours des décennies à venir.

Les Haudenosaunee ont aidé les premiers colons en partageant leur médecine et en leur apprenant à survivre dans cet environnement qui était nouveau pour eux. Nous « mettions simplement en pratique les lois que le Créateur nous avait envoyées pour aider les autres », explique Jock.

Finalement, « ils se sont serré la main et ils sont devenus amis », raconte Jock, désignant les deux rangées de perles du Wampum, côte à côte. Les Haudenosaunee et les Européens ont créé ensemble le wampum à deux rangs pour reconnaître les droits souverains de l’autre. Bien que ce wampum ait d’abord été confectionné avec les colons néerlandais, il a ensuite été transféré aux Britanniques en 1664 lorsqu’ils ont pris le contrôle des colonies des Nouveaux Pays-Bas.

Les deux rangs violets représentent respectivement la voie des Néerlandais en bateau et celle des Haudenosaunee en canot. Chaque embarcation contient une langue, une culture, des lois et des manières d’être. Jock explique l’intention initiale : « Vous restez dans un bateau, nous restons dans un canot et nous voyagerons ensemble sur le fleuve de la vie. »

Ils ont convenu que les deux embarcations poursuivraient leurs routes en parallèle sans jamais se croiser. « Cela signifie que nous n’interférerons pas avec les lois et les traditions des uns et des autres. » « Cela n’a pas été respecté », souligne-t-il, « mais c’est toujours une loi à laquelle nous adhérons de notre côté ».

Les trois rangées blanches sur le wampum symbolisent les « principes de bonne volonté, de paix, d’amitié et d’entraide », dit Jock. « Nous avons donc de très belles lois qui ont du sens à ce jour, que nous nous efforçons toujours de respecter et de promouvoir, et auxquelles nous tentons de rallier nos citoyens. Nous nous identifions à cela en tant qu’humains, en tant qu’Haudenosaunee. »

Le wampum original à deux rangs « était destiné à durer aussi longtemps que les rivières coulent, aussi longtemps que l’herbe verdit et aussi longtemps que le soleil est en mouvement ». Dans cette nouvelle ère de décolonisation et de résurgence autochtone, il devient possible pour les deux parties de retourner à bord des embarcations de leurs ancêtres respectifs.

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